Cameroun. Corruption: Paul Biya révoque un haut et célèbre magistrat pour escroquerie

Paul Biya, président du Cameroun.

Paul Biya, président du Cameroun.. DR

Le 08/07/2017 à 10h21, mis à jour le 08/07/2017 à 10h30

Pascal Magnaguemabe, autrefois en charge de dossiers dans le cadre de l’opération de lutte contre la corruption «épervier», aurait soustrait des héritages à des veuves et à des orphelins. Pour les médias, la sanction du chef de l’Etat arrive trop tard contre ce procureur de la République.

«Enfin!», jubilent la presse camerounaise et assurément, des milliers de justiciables du pays, ayant eu à faire à Pascal Magnaguemabé, magistrat, juge d'instruction près du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi à Yaoundé.

Ce jeudi 6 juillet 2017, le président de la République Paul Biya a signé un décret lui infligeant une sanction disciplinaire, sans surprise pour l’opinion nationale. Le décret présidentiel indique: «Monsieur Pascal Magnaguemabe, magistrat de 4e grade est, à compter de la date de notification du présent décret, révoqué du corps de la magistrature, sans suspension des droits à pension, pour extorsion de procurations à des dames héritières d’une succession, appropriation d’une partie des fonds et vente d’une partie d'une caféière de ladite succession».

Paul Biya souligne que cette sanction fait suite à l’avis émis par le Conseil supérieur de la magistrature du Cameroun en sa session du 7 juin 2017.

Ainsi donc, le «redoutable» Magnaguemabe est tombé. Manifestement en flagrant délit, pour des faits que la presse lui reproche depuis 2012. Nommé substitut du procureur en même temps que juge d’instruction à Yaoundé, Pascal Magnaguemabe a diligenté certains dossiers dans l’Opération «épervier», notamment celle de l’affaire «albatros», du nom d’un avion présidentiel acquis en 2003 dans des conditions troubles. Dans l’une de ses parutions, Jean François Chanon, responsable du Journal Le Messager rapportait à l’époque le parcours atypique de ce magistrat réputé proche d’Amadou Ali, ministre d’Etat, autrefois garde des Sceaux.

Au fil des ans, rapporte Jean François Chanon, «Pascal Magnaguemabe apparemment soutenu par la chancellerie devient incontournable. Des confidences au Palais de justice de Yaoundé avancent qu’à un moment donné, le président du tribunal de grande instance du Mfoundi, le magistrat Gilbert Schlick semblait le redouter compte tenu de sa proximité avec l’ancien ministre de la Justice… ainsi qu’en instruisant le dossier de l’affaire de l’avion présidentiel, Pascal Magnaguemabe ira jusqu’à interdire Marafa Hamidou, alors ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MINATD), de sortir du territoire national. L’ancien Minatd va se plaindre auprès du président de la République contre ce magistrat téméraire».

«Pascal Magnaguemabe est traduit au Conseil supérieur de la magistrature. On pense que c’en est fini pour lui. Mais, comme un sphinx il va rester en place et rebondir», explique Chanon. Et quand arrive effectivement l’affaire Marafa avec la convocation, puis l’arrestation et la mise sous mandat de dépôt de l’ex-MINATD, Pascal Magnaguemabe qui conduit l’instruction est récusé, accusé par le prévenu de l’avoir autrefois approché pour négocier sa disculpation.

C’est donc un corrupteur et un escroc accusé de toute part qui s’est retrouvé face au dernier Conseil supérieur de la magistrature, présidé par le chef de l’Etat en personne. Cette fois, le verdict est plus consensuel: révoqué!

Par Elisabeth Kouagne (Abidjan, correspondance)
Le 08/07/2017 à 10h21, mis à jour le 08/07/2017 à 10h30