Les autorités ont de "très forts soupçons" qu'il y ait "des infiltrés dans l'armée" qui ont renseigné les jihadistes pour l'attaque de l'état-major. L'explosion de la voiture piégée qui a précédé l'assaut a totalement détruit une salle de réunion, située en façade du bâtiment, où devait se tenir une réunion de l'état-major de la force antijihadiste du G5 Sahel. La réunion a été changée de salle au dernier moment, évitant un carnage.
De plus les assaillants semblaient connaître les lieux, car ils sont entrés facilement par un accès de service. Autre élément, les enquêteurs se demandent si la mine qui a fait sauter fin janvier un bus parti du Burkina vers le Mali, tuant 26 civils, n'était pas destinée en réalité à un convoi militaire qui devait emprunter la même route, plus tôt, mais dont l'itinéraire avait été changé au dernier moment.
Enfin les enquêteurs se demandent si l'attaque contre l'ambassade de France, qui a précédé d'une dizaine de minutes celle contre l'état-major, n'était pas une "diversion". En effet les assaillants ne semblaient pas disposer de moyens suffisants pour pénétrer à l'intérieur de l'ambassade, bien protégée, et située dans un quartier quadrillé en permanence par les forces de l'ordre. Alors qu'ils ont utilisé un dispositif bien plus puissant à l'état-major, une attaque dite "complexe", avec l'explosion d'un véhicule bourré d'explosifs avant un assaut.
Un bref rappel des faits permet de savoir comment on en est arrivé là. Vendredi vers 10H, quatre jihadistes, arrivés en voiture devant l'ambassade de France, commencent à tirer après avoir mis le feu à leur véhicule. Après une intense fusillade, ils seront tous abattus par les forces de sécurité burkinabè et françaises qui gardent l'ambassade.
Quelques minutes après 10H, un véhicule piégé explose devant l'état-major général des armées burkinabè, en plein centre de Ouagadougou. Les assaillants (au moins cinq mais il pourrait y en avoir eu plus) engagent ensuite une fusillade avec les soldats, parvenant à pénétrer à l'intérieur de l'enceinte de l'état-major. Le combat dure plusieurs heures. Cinq assaillants sont finalement tués.
Sept morts parmi les forces de l'ordre burkinabè et plus de 80 blessés, ainsi que neuf jihadistes tués, selon le dernier bilan d'une source gouvernementale dimanche. Un des hommes tués à l'état-major avait été précédemment compté à tort parmi les forces de l'ordre parce qu'il portait un treillis militaire. Il s'agissait en réalité d'un assaillant jihadiste, a précisé cette source.
Un gendarme burkinabè et quatre jihadistes ont été tués dans la fusillade à l'ambassade de France. Les autres victimes ont été touchées dans l'explosion d'un véhicule piégé et la fusillade qui a suivi à l'état-major. Un jihadiste présumé était entendu par la justice dimanche. Il est soupçonné d'avoir participé au commando qui a attaqué l'état-major. Il pourrait même en être l'un des "cerveau". Il a été arrêté vendredi quelques heures après l'attaque. Sa nationalité n'a pas été révélée, ni les circonstances de son arrestation.
D'autres assaillants "jihadistes ont peut-être pu s'enfuir" après l'attaque de l'état-major, situé dans le quartier très fréquenté du grand marché de Ouagadougou, selon une source gouvernementale. La plupart des assaillants décédés et identifiés étaient burkinabè, un autre était étranger, selon plusieurs sources, mais aucune identité n'a été révélée.
Le parquet de Ouagadougou a lancé un appel à témoins "pour aider à la recherche et l'identification des complices, des hôtes et de tous facilitateurs éventuels des faits". Le parquet de Paris a de son côté ouvert une enquête pour tentative d'assassinats terroristes. Un procureur et quatre enquêteurs français étaient attendus dimanche dans la capitale burkinabè.
Les attaques ont été revendiquées samedi soir par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, disant agir en représailles à une opération militaire française antijihadiste dans le nord du Mali, près de la frontière algérienne, le 14 février dernier, au cours de laquelle une vingtaine de jihadistes présumés avaient été "tués ou capturés", selon l'état-major français.