Plus de paisibles prairies pour faire paître tranquillement les vaches, alors, le fusil est devenu l'unique solution pour ces éleveurs nomades qui répliquent à des massacres perpétrés par les agriculteurs. Ce lundi, la poudre a encore tonné, faisant plusieurs morts.
L'attaque, menée par une trentaine d'hommes armés, s'est produite tôt mardi matin, au cours d'une messe de funérailles dans le village de Mbalom, selon le patron de la police de l'Etat de Benue, Fatai Owoseni. "Des bandits suspectés d'être des éleveurs ont attaqué Mbalom, tuant deux révérends pères" dans l'église pendant la cérémonie funéraire, a-t-il déclaré à la presse.
"Nous avons récupéré 16 corps (de fidèles) et ceux des deux prêtres sur les lieux de l'attaque", a ajouté M. Owoseni, précisant que la police "fouillait toute la zone" pour retrouver les coupables et les traduire en justice. Le diocèse de Makurdi, capitale de l'Etat de Benue, a confirmé l'attaque et la mort des prêtres Joseph Gor et Felix Tyolaha dans un communiqué condamnant les violences.
Selon Terhemen Angor, un habitant de Mbalom, l'office venait de démarrer vers 5H30 locales (4H30 GMT) à l'église St Ignatius "quand des tirs rapprochés ont commencé à résonner". "Les gens ont commencé à courir et à crier", a-t-il raconté à l'AFP, affirmant qu'une vingtaine de personnes avaient été "abattues de sang-froid", et de nombreuses autres blessées.
Les assaillants ont ensuite attaqué le village, "pillant plus de 60 maisons, des terres agricoles et des greniers alimentaires", a-t-il dit, affirmant que la population terrorisée avait fui vers des localités voisines. Le président Muhammadu Buhari a condamné des "crimes odieux", promettant que les coupables devraient "payer pour avoir commis ce sacrilège", dans un communiqué diffusé mardi après-midi. "Violer un lieu de culte, tuer des prêtres et des fidèles est non seulement ignoble, diabolique et satanique, mais cela vise à alimenter le conflit religieux et à plonger nos communautés dans des bains de sang sans fin", a-t-il déclaré.
La tension était palpable à Makurdi (située à une cinquantaine de kilomètres de Mbalom), où des centaines de jeunes en colère sont descendus dans les rues pour protester après les tueries, incendiant des pneus et bloquant la circulation, a constaté un correspondant de l'AFP. La police est intervenue pour les disperser à coups de gaz lacrymogènes.
Les Etats du centre du Nigeria sont régulièrement touchés par des affrontements meurtriers pour l'accès à la terre et à l'eau entre agriculteurs sédentaires de confession chrétienne et éleveurs nomades, majoritairement Peuls et musulmans, accusés de saccager les fermes agricoles avec leurs troupeaux.
Ce conflit séculaire pour les ressources, aggravé par l'explosion démographique dans le pays le plus peuplé d'Afrique (180 millions d'habitants) prend depuis plusieurs mois une tournure identitaire et religieuse. Le gouvernement, longtemps critiqué pour son inaction, a déployé l'armée en début d'année dans plusieurs Etats, dont celui de Benue, pour tenter d'endiguer les violences intercommunautaires.
Selon l'agence locale de secours (SEMA), ce conflit a fait plus de 175.000 déplacés dans l'Etat de Benue depuis le début de l'année, dont 80.000 enfants, qui vivent pour la plupart dans des camps. Selon un rapport de septembre 2017 de l'International Crisis Group, plus de 2.500 personnes ont ainsi été tuées au Nigeria en 2016.