Nigeria: cinq ans après, 112 Chibok girls toujours portées disparues

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Le 14/04/2019 à 08h42, mis à jour le 14/04/2019 à 08h44

Aisha Musa Maina fouille dans un vieux cartable de classe abîmé, pour chercher quelques souvenirs de sa fille Hauwa, une écolière de Chibok, ville dans le nord-est du Nigeria, enlevée il y a tout juste cinq ans par les jihadistes de Boko Haram.

Il ne reste que de vieux papiers rongés par l'humidité et la poussière, son diplôme de passage au secondaire, et une petite photo d'identité. La jeune fille, âgée à l'époque de 12 ou 13 ans, porte une belle robe blanche et un foulard immaculé. "Nous souffrons depuis l'enlèvement de Hauwa", confie sa mère à l'AFP. "L'enlèvement d'Hauwa nous a vraiment fait du mal, et c'est comme si on nous avait tous enlevés ensemble".

Le 14 avril 2014, des hommes armés ont pris d'assaut l'internat pour filles du lycée de Chibok, alors en pleine semaine d'examen du baccalauréat, obligeant 276 élèves, âgées de 12 à 17 ans, à grimper dans des camions avant de s'enfoncer en brousse.

57 otages réussiront à s'échapper, en sautant des véhicules en marche et à rentrer chez elles. Le combat pour leur libération a ému le monde entier et est devenu un enjeu électoral pour Muhammadu Buhari, élu président un an plus tard sur la promesse de les rendre à leurs familles. Au total, 107 d'entre elles ont été libérées au terme de négociations avec le groupe, notamment en échange de prisonniers, ou se sont échappées et ont été retrouvées par l'armée.

- Garder espoir -

Hauwa fait partie des 112 jeunes filles dont les familles et les autorités sont toujours sans nouvelles. Certaines ont-elles été tuées dans des bombardements de l'armée nigériane, comme l'a affirmé le groupe jihadiste ? D'autres sont-elles mortes de maladies ou de faim, résultat d'une stratégie de l'armée nigériane qui a longtemps tenté d'asphyxier le groupe en bloquant toutes ses ressources d'approvisionnement ?

Ont-elles été converties aux croyances radicales du groupe jihadiste ? Dans une vidéo de propagande diffusée par Boko Haram en janvier 2018, quatorze femmes se déclarant "filles de Chibok", et dont trois tenaient des nourrissons dans les bras, ont prévenu leur famille qu'elles ne "reviendraient pas à la maison". Elles y remerciaient le chef du groupe jihadiste, "+notre+ père Abubakar Shekau, qui nous a mariées".

Le père d'Hauwa, Musa Maina, ne sait rien de tout cela. Les nouvelles sont rares dans cette petite ville reculée où le taux d'alphabétisation est très faible. Il assure "ne pas perdre espoir". "Nous avons entendu dire que certains parents ont retrouvé leurs filles, mais la nôtre n'est pas encore rentrée à la maison. Nous demandons au gouvernement d'investir plus d'efforts pour ramener nos filles et nous réunir".

Dans le reste du pays, le temps semble avoir dilué les espoirs de retrouver les jeunes femmes. Sur le grand rond-point de Falomo, dans le centre de la capitale économique de Lagos, les conducteurs ne font plus attention à leurs portraits accrochés le long des barrières de sécurité.

- Plus de mille enfants enlevés -

Le slogan "Bring Back Our Girls" (Ramenez nous nos filles), relayé à l'époque jusqu'à la Maison Blanche par Michelle Obama, n'est plus partagé que par une poignée d'irréductibles, étouffé par d'autres tragédies, dans ce pays de 190 millions d'habitants, rongé par la criminalité et les conflits.

Boko Haram s'est d'ailleurs renforcé ces douze derniers mois, après avoir été affaibli lors des premières années de la présidence de Buhari (réélu pour un second mandat en février). Une de ses factions, affiliée au groupe de l'Etat islamique, l'ISWAP, a multiplié les attaques meurtrières contre des bases militaires, faisant plusieurs centaines de morts parmi les soldats nigérians.

L'année dernière, à l'occasion du quatrième anniversaire de l'enlèvement de Chibok, l'Unicef rappelait aussi que plus de 1.000 enfants avaient été enlevés depuis 2013 par les jihadistes. En 2016, Human Rights Watch avançait même le nombre de 10.000 petits garçons, "parfois même de 5 ans", entre les mains du groupe. Une partie de ces anonymes ont probablement été libérés, au fur et à mesure de la progression de l'armée nigériane dans le territoire tenu par Boko Haram.

Mais comme tous les habitants du nord-est des zones ainsi "libérés", les enfants ont été envoyés dans des centres fermés de "déradicalisation", puis dans des camps de déplacés, où les conditions sanitaires et alimentaires sont désastreuses. Après presque dix années de conflit, l'insurrection de Boko Haram a fait 27.000 morts au Nigeria, où près de 2 millions de personnes ne peuvent toujours pas regagner leur foyer. Elle a aussi débordé dans les pays voisins: Niger, Tchad, Cameroun.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 14/04/2019 à 08h42, mis à jour le 14/04/2019 à 08h44