Cameroun: comment les habitants font face à la problématique des toilettes publiques

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Le 09/08/2020 à 15h11, mis à jour le 09/08/2020 à 16h12

Alors que la question a été remise au devant de l'actualité suite à un fait divers tragique, les habitants du Cameroun se débrouillent généralement comme ils le peuvent à l'air libre. De leur côté, les municipalités tentent de mettre en œuvre des projets pour combler cette nécessité.

Au mois de juin 2020, la commune d'arrondissement de Yaoundé 5 a lancé son programme «Un carrefour, une toilette publique», afin de mettre fin au phénomène récurrent de personnes déféquant ou urinant à l'air libre. Une pratique devenue presque banale, aussi bien en ville qu'en milieu rural.

Dans la région de l'Est, la ville de Bertoua a également été récemment dotée de toilettes publiques, construites dans le cadre du Contrat de désendettement et de développement (C2D), un programme d'annulation et de reconversion de la dette bilatérale octroyée de manière additionnelle par la France, et qui s'inscrit dans le prolongement de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE).

Ces exemples illustrent les efforts déployés par les municipalités pour doter les populations d'installations sanitaires, car le besoin est pressant.

«Aujourd'hui, même les femmes n'hésitent plus à se courber en public pour uriner face à un besoin urgent, avec tout ce que cela implique pour l'hygiène et leur dignité, puisque cela ne se fait pas toujours à l'abri des regards. Il suffit de trouver un coin présumé isolé, se cacher derrière une voiture garée, etc. A chacun sa technique en fonction de l'environnement au moment du besoin. Pour les hommes, c'est encore plus facile et moins pudique», se lamente Stéphane Ndjock, enseignant.

En effet, les toilettes publiques au Cameroun sont peu présentes en ville et parfois inexistantes en milieu rural. Celles qui existent sont parfois dans un état douteux, qui rebute les usagers ou alors, elles sont tout simplement hors-service.

Pour celles qui sont payantes, tous les utilisateurs potentiels ne sont pas prêts à débourser 100 francs CFA «simplement pour uriner». Ce n'est pas un hasard si des injonctions du genre «interdit d'uriner ici sous peine de poursuites judiciaires» fleurissent çà et là dans les villes. Des messages très souvent ignorés par les «urineurs».

Une problématique remise au goût du jour de façon dramatique, suite au décès d'un gendarme le 22 juillet dernier à Douala, la métropole économique. En effet, il s'est posé un problème de paiement de la somme de 100 francs CFA, après que le défunt se soit soulagé dans les toilettes publiques payantes installées dans une agence de transport interurbain.

Le différend a dégénéré en une bagarre à l'issue mortelle. «Rien n'habilite les gestionnaires de terminaux à mettre en place des toilettes publiques payantes au sein des agences de voyage interurbain, prérogatives qui, du reste, est de la compétence des collectivités territoriales décentralisées», a rappelé le ministre des Transports, dans un communiqué à l'issue du drame.

En effet, si la construction des toilettes publiques à usage gratuit pour les clients fait bien partie du cahier de charges de ces transporteurs, ceux-ci font généralement payer une «modique» somme, aux usagers, «pour l'entretien des lieux», argumentent certains.

Pour améliorer ce tableau peu reluisant de la situation des toilettes publiques dans le pays, le Cameroun s'est, entre autres, doté au début des années 2010, d'une Stratégie nationale d'assainissement liquide.

Celle-ci a pour objectif, notamment, de préciser les options politiques et les grandes lignes des arrangements institutionnels ainsi que les mécanismes de financement devant permettre d’accroître l’accès des populations aux installations sanitaires en général.

«La mise en œuvre de la stratégie devrait nous permettre d'augmenter le taux de couverture national de 34% en 2010 à 57% en 2020. Cette amélioration ne sera pas simplement une contribution à l’amélioration de la qualité de la santé publique des populations camerounaises, mais aussi et surtout un pas important de l’amélioration du cadre de vie et de l’environnement de ces populations», peut-on lire dans le document.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 09/08/2020 à 15h11, mis à jour le 09/08/2020 à 16h12