Il était parti de Douala, la métropole économique, le 12 octobre dans l’espoir de rallier à pied la capitale Yaoundé qu’il comptait atteindre le 22 octobre, dans ce qu’il a appelé «le pèlerinage de la fraternité et de la réparation».
Son sac au dos, le père Ludovic Lado, membre de la confrérie des Jésuites de l’Eglise catholique romaine, entendait par cette action prier d’une part «pour le dialogue, la justice, la paix et la réconciliation» dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en proie à la crise anglophone depuis fin octobre 2016 et, d’autre part, «faire pénitence pour la réparation des crimes contre la dignité humaine commis dans ces régions particulièrement», explique-t-il dans une lettre ouverte sur sa page Facebook.
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Le religieux avait prévu, à son arrivée dans la capitale, de rencontrer le porte-parole de l’opposant Maurice Kamto, le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) assigné à résidence depuis les manifestations interdites du mois dernier. «Le point culminant à mon arrivée à Yaoundé sera la visite que je rendrai à M. Bibou Nissack, détenu au SED (secrétariat d’Etat à la Défense, Ndlr), symbole de plus de 600 détenus de la marche du 22 septembre 2020. Je marche aussi pour la libération de tous ces détenus», écrivait-il. Mais le père Lado a été stoppé dans son élan. Il a été interpellé mardi 13 octobre par la police dans la ville d’Edéa, à une soixantaine de kilomètres de Douala, et ramené à son point de départ.
Le religieux crie à la violation de ses droits civiques, en s’appuyant notamment sur la loi du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et des manifestations publiques. Celle-ci précise que les sorties sur la voie publique conformes aux traditions et usages locaux ou religieux ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration préalable. «Je leur (les policiers, Ndlr) ai répété que j’étais en pèlerinage qui est une longue tradition religieuse, mais ils ont violé mes droits civiques. Marcher n’est pas seulement un droit humain, mais divin. Je marche pour que ça marche», affirme le prêtre, connu pour être un dissident du régime en place.
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«Même si je suis un ardent défenseur de l’alternance politique comme indicateur de toute saine démocratie, je ne marche pas pour demander le départ de ceux qui sont au pouvoir. Ce n’est pas mon rôle, mais celui des politiciens. Mais je n’oublie pas que c’est un politicien qui a fait tuer Jésus-Christ pour contenter le clergé de ces temps-là», dit-il.
Le père Lado avait initié une pétition en avril dernier pour faire refouler le président Paul Biya de Suisse et avait récidivé en mai dernier, au plus fort de la crise de Covid-19, pour exiger que le chef de l’Etat s’adresse publiquement aux Camerounais. Le religieux, considéré par certains comme un pro-Kamto du fait de ses opinions politiques et de son appartenance géographique, avait été contraint de démissionner de son poste de vice-doyen de la faculté de sciences sociales et de gestion à l’Université catholique d’Afrique centrale en 2012, à cause de soupçons de tribalisme. L’ancien archevêque de Yaoundé de l’époque, Mgr Tonye Bakot, lui reprochait notamment la forte représentativité des étudiants et enseignants originaires de la région de l’Ouest au sein de cette institution académique confessionnelle.