Cameroun: quand une escroquerie de type Ponzi se fait au nez et à la barbe des autorités

Au siège de la société Mekit, la foule désespérée se forme.

Au siège de la société Mekit, la foule désespérée se forme. . DR

Le 25/10/2020 à 14h59, mis à jour le 25/10/2020 à 15h03

De nombreux Camerounais ont perdu de l’argent dans des placements douteux. Certains accusent le gouvernement de ne pas avoir mis fin à cette arnaque financière avant qu’elle ne prenne de l’ampleur, d’autres rejettent le tort sur les épargnants attirés par l’appât du gain facile.

Des milliers de Camerounais ont perdu leur argent dans des placements proposés par des entreprises affirmant opérer dans le trading. A Douala, la métropole économique, la société Africa’lif a fermé boutique récemment en emportant les fonds de ses souscripteurs. Les sommes investies varient entre 300.000 et 6 millions de francs CFA, apprend-on. «J’avais investi 5 millions et j’espérais avoir 24 millions en neuf mois. Je n’ai même pas reçu un franc», se désole une souscriptrice. L’entreprise opérait depuis 2018. A Yaoundé, la capitale, les autorités administratives ont suspendu, le 15 octobre, les activités de l’entreprise Mekit Invest spécialisée notamment dans la vente et l’achat de la cryptomonnaie, selon ses promoteurs.

A l’origine de cette décision, la grogne des épargnants qui se plaignaient de ne pas avoir reçu leurs acomptes hebdomadaires depuis mi-septembre. Selon des médias locaux, quelque 1.900 personnes auraient investi plus de 1,5 milliard de francs CFA. Pour justifier sa décision, le gouverneur de la région du Centre, Naseri Paul Bea, affirme que Mekit Invest, qui officie depuis début 2020, ne dispose pas d’un agrément de la Commission de surveillance des marchés financiers (COSUMAF). En d’autres termes, l’entreprise opère de manière illégale. Cette structure figure en effet parmi sur la liste des 14 sociétés (toutes camerounaises) qui proposent d’investir dans des produits financiers sans disposer des agréments nécessaires, dressée par la COSUMAF.

Dans l’opinion, certains pointent un doigt accusateur sur le gouvernement, auquel on reproche d’avoir à nouveau laissé des structures fonctionner sans agrément. Ce, après le scandale de la Mission d’intégration et de développement pour l’Afrique (MIDA), une «entreprise monstrueuse d’escroquerie de grande envergure», d’après les autorités camerounaises. Cette structure a été suspendue en avril 2018, notamment pour «existence illégale» et «escroquerie par appel au public». Ce, après avoir soutiré plusieurs milliards de francs CFA à près de 6.000 adhérents.

«Comment quelqu’un peut arriver de nulle part, s’installer et gérer de grosses sommes d’argent sans qu'on ne fasse rien? Parler d’illégalité, je ne crois pas. Je pense plutôt qu’il y a des gens de notre gouvernement qui cautionnent cela. Ce n’est pas nouveau, car il y a des sociétés de microfinance qui ont été fermées avec l’argent de pauvres Camerounais. On a l’impression que l’Etat ne fait rien, il faut que ça s’arrête. L’Etat est là pour protéger ses citoyens», fulmine Sénateur Baning, le manager de l’artiste Dynastie le Tigre. Le jeune chanteur a annoncé mardi sur les réseaux sociaux que Mekit Invest l’a «frappé» de la somme de deux millions de francs CFA.

D’autres rejettent le tort sur les adhérents qui vont à la recherche de placements plus rémunérateurs ou se laissent séduire par les annonces alléchantes.

«L’exercice de toute activité en lien avec l’appel public à l’épargne et les instruments financiers est soumis à l’agrément obligatoire de la COSUMAF. Cet agrément est matérialisé par une décision prise après instruction du dossier», indique le gendarme de l’activité boursière en Afrique centrale. Le 19 octobre dernier, la COSUMAF a rendu publique la liste des «seuls intermédiaires» autorisés à faire des propositions de placements financiers au Cameroun et dans la sous-région.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 25/10/2020 à 14h59, mis à jour le 25/10/2020 à 15h03