Cameroun. Cancer du col de l’utérus: le gouvernement et l’église divisés sur l’intérêt de vacciner les filles de 9 ans

Cancer du col de l’utérus: un taux de prévalence élevé au Cameroun.

Cancer du col de l’utérus: un taux de prévalence élevé au Cameroun.. DR

Le 27/10/2020 à 14h33, mis à jour le 27/10/2020 à 14h35

Le diocèse d’Obala a interdit l’administration du Gardasil dans ses structures de santé et ses écoles. Cette division ecclésiastique nie l’efficacité de ce vaccin préconisé pour prévenir des lésions précancéreuses du col de l'utérus. Le ministère de la Santé soutient le contraire.

Le Gardasil, vaccin indiqué pour la prévention du cancer du col de l’utérus, a été introduit le 12 octobre dans le Programme élargi de vaccination (PEV) du Cameroun pour les filles de 9 à 13 ans. «La vaccination est le moyen essentiel de prévention de la survenue du cancer du col de l’utérus à l’âge adulte chez les jeunes filles avant le début de l’activité sexuelle», assurent les autorités sanitaires. Mais cette vaccination reste controversée.

Le diocèse d’Obala, l’une des divisions ecclésiastiques de l’église catholique romaine dans le pays, a formellement interdit l’administration du Gardasil dans ses structures de santé et ses écoles primaires.

Le vicaire général dudit diocèse, le père Luc Onambelé, qui a pris cette décision dans une note datée du 19 octobre, remet en cause l’efficacité de ce vaccin. Un vaccin qui est «incomplet», affirme le religieux, par ailleurs docteur en médecine et spécialiste en santé publique.

Selon lui, le vaccin disponible contre le virus du papillome humain (VPH) responsable de la maladie est «uniquement efficace contre les lésions pré-cancérigènes de type 16 et 18 du VPH et non des 15 autres environ».

Par ailleurs, poursuit-il, les filles de la tranche d’âge ciblée «ont été moins représentées dans les essais cliniques qui ont été menés jusqu’à présent».

Le père Onambélé affirme que «presque toutes les infections par VPH se résolvent seules. Dans très peu de cas, le virus oncogénique persiste». Pour le religieux, il est donc incompréhensible de vacciner les filles de 9 à 13 ans, surtout que «le pic» de l’incidence du cancer du col se situe entre 40 et 50 ans. 

«Rien ne nous assure qu’il n’y aura pas des effets indésirables entre temps, comme cela a été signalé ailleurs», avance le religieux, qui souligne que les hormones exogènes ou les traitements hormonaux de substitution (THS) auxquels on soumet les femmes de la puberté à la ménopause sont aussi à l’origine de ce cancer. Mais pour le gouvernement, ces déclarations sont à la fois «erronées» et «scandaleuses».

Outre les types oncogènes 16 et 18, en cause dans 70% des cancers du col de l’utérus, ce vaccin cible également les types 6 et 11 responsables des condylomes acuminés, affirme le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie. «Bien plus, une protection croisée contre les types 31, 33 et 45 représentant 13% des cas de cancers du col de l’utérus a été démontrée, portant ainsi la protection à près de 83%», poursuit le membre du gouvernement, dans une mise au point le 23 octobre.

Il précise que des études ont démontré que les réponses en anticorps des adolescentes n’étaient pas inférieures à celles induites chez les femmes plus âgées. Par conséquent, «il n’est donc pas scientifiquement vrai que celles qui sont un peu plus âgées ont une plus grande immunogénicité», d’après le ministre. 

Le membre du gouvernement indique que sur les 12.424 événements indésirables collectés de 2006 à 2008 aux Etats-Unis par les structures compétentes, notamment le Centre de contrôle des maladies (CDC, sigle en anglais), 11.652 (soit 93,8%) ont été classés sans suite en raison de l’absence d’évidence des données collectées.

Aussi, les autorités sanitaires invitent-elles l’opinion publique à prendre avec «discernement» toutes les campagnes menées contre la vaccination au Cameroun, étant entendu que «le moyen le plus sûr pour prévenir des affections graves et des maladies chroniques dans notre pays reste la vaccination préventive». Des assurances qui sont loin de convaincre cependant, les parents étant de plus en plus réticents à faire immuniser leurs enfants, surtout lors des campagnes de masse. 

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 27/10/2020 à 14h33, mis à jour le 27/10/2020 à 14h35