Egypte: au Caire, un quartier de la "Cité des morts" reprend vie

Un verrier à la "Cité des morts", au Caire.

Un verrier à la Cité des morts, au Caire. . Khaled DESOUKI / AFP

Le 10/11/2020 à 09h58

En plein coeur de la "Cité des morts", les souffleurs de verre s'activent devant leurs fours en briques par plus de 50 degrés, dans un quartier du Caire au patrimoine culturel et artisanal en plein renouveau.

Une menuiserie et un atelier de façonnage du cuir et de bijouterie ont également rejoint la petite communauté d'artisanat traditionnel, recentrée depuis peu autour de la mosquée du sultan mamelouk Qaitbay.

Ce joyau architectural datant du 15e siècle, qui figure sur les billets d'une livre égyptienne, est entouré de tombes monumentales, de ruelles poussiéreuses et d'habitat informel. L'immense nécropole habitée, qui s'étend sur plus de six kilomètres, est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco.

Depuis 2014, une série de projets financés par l'Union européenne (UE) a changé la physionomie de ce quartier.

"Avant les projets, il y avait des ordures partout dans les rues. Maintenant, un camion les ramasse tous les jours", se réjouit notamment Issem Abou Rami, 57 ans, propriétaire d'un petit restaurant face à la mosquée.

Dans ce quartier pauvre du Caire, la production locale est désormais vendue dans d'élégantes échoppes, sous des voutes de pierre restaurées, mais aussi en ligne.

- Développement social -

Tout a commencé il y a six ans par la rénovation d'un "Hawd" ou abreuvoir pour animaux, puis celle du "Maqad" ou salle de réception de la résidence du sultan.

Le dernier projet entamé par l'UE en 2018, pour lequel elle a contribué à hauteur de près d'un million d'euros, est baptisé "Patrimoine pour les vivants dans la Cité des morts" et se concentre sur le développement social.

Cheville ouvrière de cette métamorphose, l'architecte Agnieszka Dobrowolska, directrice du projet, a supervisé la restauration de monuments, la rénovation des ateliers, leur signalétique, et même le design des bijoux et des objets de cuir qui s'inspirent de motifs mamelouks.

"Notre but principal était la conservation des monuments", raconte-t-elle à l'AFP. Mais "nous avons vite réalisé que nous ne pouvions pas conserver les monuments sans tenir compte des gens qui vivent dans le quartier", ajoute Mme Dobrowolska, directrice du cabinet de consulting Archinos.

Aujourd'hui, après quelques semaines d'interruption liée à l'épidémie de Covid-19, l'atelier de cuir et de bijoux a repris le travail avec une quarantaine de femmes pour le cuir et une dizaine d'autres pour les bijoux, le tout estampillé de la marque locale Mishka.

Aida Hassan, 45 ans, se réjouit de gagner "1.500 livres (80 euros) par mois et parfois plus", grâce à son activité artisanale. "Ce projet a contribué à améliorer mes revenus", assure-t-elle en précisant qu'elle a elle-même formé d'autres femmes au travail du cuir.

Parallèlement, des centaines de femmes et enfants du quartier ont bénéficié de cours et d'ateliers sur des sujets aussi divers que les sciences, la technologie, l'anglais ou le sport.

- "Durabilité" -

L'UE, donateur principal du projet en cours qui doit prendre fin en 2021, insiste sur l'aspect social du programme.

"Notre intention est de soutenir ce type de projets qui bénéficient immédiatement aux groupes vulnérables et démunis. Des projets qui ont un large impact socio-économique, (...) qui garantissent une voie vers la durabilité", explique à l'AFP Christian Berger, le chef de la délégation de l'UE en Egypte.

Des concerts sont organisés, du jazz à la folk en passant par la musique traditionnelle égyptienne. Et des artistes plasticiens, occidentaux ou égyptiens, viennent exposer leurs oeuvres.

Il s'agit de "renforcer la diversité de l'expression culturelle, artistique, pour construire des ponts entre l'Est et l'Ouest", explique Mme Dobrowolska.

Autre finalité de la transformation des lieux: l'accueil de touristes. La "Cité des morts", parfois entourée de superstitions du fait de son statut de nécropole, peut effrayer les chauffeurs de taxi qui refusent d’y pénétrer. Par ailleurs, elle ne figure pas au programme des circuits touristiques les plus fréquentés. 

"Nous cherchons à attirer (davantage) les touristes qui se tiennent en dehors (...) du tourisme de masse", précise encore Mme Dobrowolska qui souhaite des visiteurs individuels et des petits groupes intéressés par "le caractère unique de cette nécropole".

Non loin de la mosquée de Qaitbay, les autorités ont entamé en juillet des travaux pour construire un axe routier. Démolitions et expulsions d'habitants de la Cité des morts ont suscité de vives critiques sur les réseaux sociaux.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 10/11/2020 à 09h58