Actualité oblige, la question de la situation des migrants esclavagisés en Libye devrait occuper une bonne partie des discussions. Cependant, le sort des Africains en Libye n'est pas le seul sujet à l’ordre du jour de la rencontre. Une autre question préoccupe les Africains, celle de l’insécurité dans les pays du Sahel. Sauf que, non seulement migration et insécurité sont des conséquences du sous-développement dans cette partie du continent, mais surtout, l’Afrique ne s’arrête pas à la bande qui s'étend de Dakar à Djibouti. L’Afrique centrale, australe ou de l’est ne se reconnaissent ni dans l’immigration ni dans le terrorisme. Leurs préoccupations sont ailleurs.
Sur certaines questions bilatérales, chaque chef d’Etat a également besoin de traiter avec deux ou trois de ses homologues du Nord. Abidjan offre en effet une formidable opportunité de les aborder. Enfin, au niveau institutionnel, l’Union africaine aimerait bien ne plus dépendre de l’infantilisant soutien de son vis-à-vis qui assure jusqu’à 80% du financement de son fonctionnement.
En matière de développement, l’Afrique souhaite que soit concrétisé l’objectif d’investissement dans la jeunesse du continent, que le sommet d’Abidjan s’est promis d'atteindre. Bien sûr, sur cette question comme sur tant d’autres, il est avant tout question de chéquier. Le carnet de chèques de l’Union européenne, prise dans son ensemble, mais également dans chacun des 27 Etats qui la composent.
Alpha Condé, qui préside ce sommet en qualité de président de l’Union africaine, s’empressera de rappeler à ses homologues d’Europe la promesse de collecter 40 milliards d’euros au profit d’un plan Marshall pour le continent. Ce "plan Tajani", qui devrait s’étendre sur trois ou quatre années, sera-t-il en mesure d’amorcer un transfert de technologie au profit de l’Afrique? Car Condé le sait, le vrai problème est que les ressources extractives et agricoles sont très peu transformées sur le continent, ce qui prive l’Afrique de millions d’emplois.
Condé n’est pas sans savoir qu’après la Seconde Guerre mondiale, si le plan Marshall a remis les économies européennes sur une rampe de lancement et les a propulsées dans les «Trente glorieuses», c’est parce que l’Europe possédait le savoir-faire nécessaire à sa reconstruction. Le défi pour l’Afrique sera donc de se procurer la technologie qu’une enveloppe seule, fut-elle égale à 40 milliards d’euros, ne saurait acheter. Car les pays développés peuvent se montrer généreux au niveau politique, mais le privé, unique détenteur de la propriété industrielle et commerciale, préférera vendre à l’Afrique des rames de trains, venir y construire des ports, ponts et routes, mais jamais il n’acceptera de céder ce savoir-faire d'un claquement de doigts. Et de toute manière, il n’est pas sûr que la promesse soit tenue.
On peut en douter dans la mesure où seuls les pays nordiques ont atteint l’objectif de 0,55% du PIB à consacrer à l’aide publique au développement. La France par exemple, sixième économie mondiale, n’en est que le 11e contributeur. Le 28 novembre, à Ouagadougou, Emmanuel Macron a promis d’atteindre ce chiffre magique de 0,55%. Mais qui dit que la France consacrera cette somme à l'Afrique dans des proportions qui correspondent à leurs relations historiques? Il est par exemple étonnant que le Brésil soit actuellement le premier bénéficiaire de l’aide publique au développement de la France et que les pays d’Afrique subsaharienne arrivent loin derrière.
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, l’Europe sait plus que jamais que son destin est lié à celui du continent. S'il ne se développe pas, les pays seront incapables de défendre leurs frontières et de protéger la rive nord de la Méditerranée des trafics en tous genres et du terrorisme.