Afrique subsaharienne: à seulement 3,3% en 2021, la croissance sera molle, selon la Banque mondiale

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Le 07/10/2021 à 13h34, mis à jour le 07/10/2021 à 13h52

La Banque mondiale a révisé ses prévisions de croissance en Afrique subsaharienne dans son Africa’s Pulse. Globalement, la reprise restera molle pour cette région. Si quelques facteurs expliquent cette situation, un changement de modèle économique reste nécessaire pour une croissance vigoureuse.

De l’un des continents les plus dynamiques en matière de croissance avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19, l’Afrique figure désormais parmi les régions qui affichent les taux les plus bas. Le continent n’arrive pas à renouer avec des niveaux de croissance élevés à cause particulièrement des grandes économiques de la région: le Nigéria et l'Angola notamment.

Ainsi, le rapport "Africa’s Pulse : Adaptation au changement climatique et transformation économique en Afrique subsaharienne", publié le mercredi 6 octobre 2021, le Nigéria, première puissance économique africaine, devrait afficher un taux de croissance de l’ordre de 2,4% en 2021 grâce aux services, alors que l’Angola devrait afficher une faible évolution de son PIB de 0,4%, après 5 ans consécutifs de récession. Seule l’Afrique du Sud devrait mieux se porter avec une croissance de l’ordre de 4,6% en 2021, soit largement au-dessus de la moyenne de la région, grâce aux services, à l’industrie et à l’agriculture.

Certains pays, ne disposant pas d’importantes ressources minières et en hydrocarbures, devraient connaître, quant à eux, des rebonds plus rapides. C’est le cas de la Côte d’Ivoire et du Kenya qui devraient enregistrer de fortes reprises avec des croissance de respectivement de 6,2% et 5,0%, grâce notamment à la bonne tenue de leurs secteurs agricoles, aux infrastructures… Idem pour Maurice et les Seychelles qui devraient connaître des croissance respectives de 5,1% et 6,9%, grâce notamment à des campagnes de vaccination qui ont permis de faciliter les voyages, essentiels pour ces pays touristiques.

Si l’Afrique subsaharienne devrait globalement sortir de la récession en 2021, certains pays devraient malheureusement poursuivre une trajectoire de récession prolongée à -1,2% pour n'en sortir qu’en 2022 à travers notamment la forte hausse du cours du baril de pétrole.

Ainsi, selon les données réajustées, en Afrique subsaharienne, l’économie devrait croître de 3,3% en 2021, soit +1 point de pourcentage par rapport aux prévisions d’Africa’s Pulse d’avril 2021. Et cette croissance devrait rester en dessous des 4% aussi bien en 2022 qu’en 2023 en s’établissant à respectivement 3,5% et 3,8%.

Cette reprise a été portée par la hausse des prix des produits de base (or, pétrole, cobalt, fer…) qui restent fortement supérieurs à leurs niveaux d’avant pandémie, l’assouplissement des mesures strictes de confinement et la reprise du commerce mondial. Elle bénéficie également de la croissance rapide de la Chine qui a impacté la demande en matières premières et stimulé les exportations africaines. De même, dans de nombreux pays de la région, la reprise a été soutenue par un rebond des secteurs des services et de l’industrie.

Cette croissance dans la région reste donc faible comparée à celle des économies avancées et des marchés émergents. Une situation qui s’explique par la faiblesse des investissements en Afrique subsaharienne et les répercussions de la pandémie de Covid-19 durant le second trimestre 2021, période d’apparition du variant Delta qui a eu des effets négatifs sur de nombreuses économies du continent durement touchées, à l'instar de l’Afrique du Sud, du Kenya, de la Côte d’Ivoire ou encore du Sénégal.

L’Afrique du Sud, économie la plus industrialisée du continent, qui était pourtant sur une trajectoire de reprise dynamique, a été freinée par ce variant Delta qui a poussé les autorités sud-africaines à porter les mesures de confinement au niveau 4 durant presque un mois, sapant ainsi la confiance des entreprises et ralentissant la reprise.

Reste que si la croissance sera effectivement molle en 2021, «les pays africains ont saisi l’opportunité de la crise pour encourager des réformes structurelles et macroéconomiques», souligne le rapport Africa’s Pulse d’octobre 2021. Parmi ces réformes figurent, par exemple, l’unification du taux de change au Soudan, la réforme des subventions aux carburants au Nigéria, l’ouverture du secteur des télécommunications au secteur privé en Ethiopie…

De plus, ajoute le rapport, «les pays ont fait preuve d’une discipline relative en matière de politiques monétaire et fiscale. Ils ont réussi à maîtriser leurs déficits budgétaires qui devraient se réduire en 2021 et au-delà». Ainsi, selon les projections, de 5,4% du PIB en 2021, le déficit budgétaire devrait se réduire à 4,5% du PIB en 2022 et à 3% en 2023. Mieux, pour les pays pétroliers de la région, leur déficit budgétaire devrait se réduire plus sensiblement encore pour passer de 2,1% du PIB à 1,2% du PIB en 2022, grâce notamment à l’envolée du cours du baril de pétrole, mais aussi aux efforts d’assainissement budgétaire entrepris par les Etats.

Du côté des perspectives, la situation économique du continent reste fragile à cause de la faiblesse de la vaccination de la population. En effet, seulement 13 pays de la région ont atteint l’objectif de vaccination de 10% de la population à fin septembre 2021. Et hormis Maurice, les Seychelles, l'Afrique du Sud et le Cap Vert, rares sont les pays qui pourront atteindre le taux de 40% de personnes vaccinées à fin 2021.

En conséquence, la population africaine est très faiblement immunisée, avec seulement 3,3% des habitants vaccinés. Et la reprise reste hypothéquée par la survenance possible d’un nouveau variant du Covid-19, comme ce fut le cas avec le Delta. A cause de ce variant agressif, près de 20% des pays de la région ont dû imposer un confinement, soit national soit ciblé, ou des restrictions poussées durant le 3e trimestre.

Au-delà, les mesures de relance budgétaire déployées par les pays africains de la région ont été insuffisant. «Depuis janvier 2020, le soutien budgétaire accordé aux personnes et aux entreprises de la région s’élève à 2,8% du PIB, contre 17% dans les pays avancés», selon le rapport qui avance que la «plupart des pays d’Afrique subsaharienne n’ont apporté qu’un soutien limité aux entreprises et aux ménages, en raison de problèmes de viabilité budgétaire, à un moment où une politique budgétaire anticyclique aurait pu amortir le choc induit par la pandémie». Pire, au moment où les pays avaient besoin de financements complémentaires pour accélérer leur reprise économique, certains ont été obligés d’appliquer des mesures d’austérité à cause d’une dette devenue insoutenable.

Et ceux qui misaient sur les Droits de tirage spéciaux (DTS) pour améliorer la situation financière de certains pays ont été déçus. En effet, sur les 650 milliards de dollars des DTS émis par le Fonds monétaire international (FMI), seulement 3,6% sont alloués aux pays d’Afrique subsaharienne, soit la quote-part au FMI des pays du continent.

La faible croissance prévue des économies subsahariennes prouve également les limites des modèles économiques africains, basés grandement sur les exportations de matières premières et les rentes pétrolières. Pour des croissances robustes, les pays du continent devraient franchir le cap de la transformation des matières premières et s’industrialiser afin de créer plus de valeur ajoutée localement et générer des emplois pour dynamiser la consommation intérieure en tant que moteur de la croissance.

Ce passage est nécessaire pour permettre au continent de faire face aux défis structurels que constituent les déficits courants et budgétaires et la dette qui deviennent des goulots d‘étranglement pour les économies africaines.

Par Moussa Diop
Le 07/10/2021 à 13h34, mis à jour le 07/10/2021 à 13h52