Côte d’Ivoire: Bédié, le «parapluie» de Soro?

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Le 05/07/2017 à 07h16, mis à jour le 05/07/2017 à 07h20

Alors que les nuages s’amoncellent sur Soro avec de nouvelles perquisitions chez «Soul to soul», l’idylle entre le chef du parlement et l’ex-président Henri Konan Bédié, désormais son «parrain», apparaît comme un "parapluie" avec des enjeux politiques en dessous.

Le doute est de moins en moins permis dans l’affaire de la cache d’armes retrouvée chez «Soul to soul», le chef de protocole de Guillaume Soro. Le procureur a expliqué que ces armes étaient bien entreposées dans une ancienne piscine aménagée au domicile de ce dernier, ce qui écarte la thèse du complot qui voudrait que ces armes aient été déversées là pour incriminer le chef du parlement.

Les perquisitions se multiplient chez le concerné, qui voit l’étau se resserrer un peu plus, et risquent bien d’éclabousser l’ex-patron de la rébellion, Soro, dont certains voudraient qu’il soit en réalité le réel propriétaire de cet arsenal. Mais l’enquête a-t-elle des chances d’aboutir?

Dans un contexte politique ivoirien où les esprits sont tournés vers la présidentielle de 2020, Soro peut bien être un allié pour un scrutin qui pourrait se jouer sur «le fil du rasoir». Une idée qui a probablement bien effleuré l’ex-chef d’Etat Henri Konan Bédié qui a décidé de prendre le président du parlement, son «protégé», sous ses ailes, lui offrant un «parapluie» en cas de pépin avec l’enquête en cours.

Finalement, qui est le maître du jeu politique?

Bédié peut bien apparaître comme celui qui tient les ficelles. Dans une interview à Jeune Afrique, il avait dévoilé une confidence de Soro qui lui aurait confié ne pas être intéressé par la présidentielle de 2020. Des propos bien audibles, explicites, que Soro s’était pourtant refusé d’exprimer clairement pour mettre un terme aux spéculations sur ses intentions pour 2020. Bédié veut-t-il ainsi forcer la main à Soro, en l’amenant à renoncer à la présidentielle de 2020? Sous la menace de l’enquête potentiellement explosive contre son directeur de cabinet, Soro aurait-t-il pu refuser une telle offre de protection?

La manœuvre, selon certains analystes, est d’attirer Soro et ses soutiens vers le PDCI qui a déjà indiqué qu’il aura bien un candidat sorti de ses rangs pour cette échéance électorale. Soro pourrait apporter au parti de nouveaux soutiens dans le nord ivoirien largement dominé par le RDR d’Alassane Ouattara. Ce dernier pourrait d’ailleurs se sentir écorché par ce nouveau couple, lui qui était considéré autrefois comme le père spirituel de Soro.

Pour autant, Soro consent-il bien qu’en acceptant le rôle de «protégé», il devrait renoncer à la présidentielle de 2020 pour laisser le champ libre à son parrain et dans le même temps couper le cordon ombilical avec le RDR, où il n’est quasiment plus le bienvenu?

Soro «l’insaisissable» pourrait toutefois jouer sa propre carte et entrevoir un rôle de «faiseur de roi». Car, dans l’hypothèse d’une candidature séparée PDCI et RDR, il est probable qu’il y ait un second tour où l’«éventuel candidat Soro» pourrait alors faire peser la balance entre les deux ex alliés.

D’un autre côté, le RDR d’Alassane Ouattara, qui n’est manifestement pas enthousiaste à l’idée de soutenir le PDCI à la prochaine présidentielle, pourrait jouer la carte du retour de «l’enfant terrible». Un abandon de l’enquête sur la cache d’armes de Bouaké, un non-lieu par exemple, pourrait changer la donne. Le parti présidentiel jouerait alors à troubler les calculs politique du PDCI afin de mieux se positionner. Soro sera donc encore pour un bon moment au centre de l’intrigue politique ivoirienne. 

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 05/07/2017 à 07h16, mis à jour le 05/07/2017 à 07h20