Côte d’Ivoire. Ouattara-Bédié: le gouvernement de la discorde

Alassane Ouattara, président ivoirien, et Henry Konan Bédié, président du PDCI.

Alassane Ouattara, président ivoirien, et Henry Konan Bédié, président du PDCI.. DR

Le 12/07/2018 à 09h38, mis à jour le 12/07/2018 à 10h46

Si le pouvoir d’Abidjan a laissé ouvertes les portes du gouvernement à son allié politique du PDCI, c’est bien pour faire la part belle à ceux de ses militants favorables à une adhésion sans délai au parti unifié du RHDP. Une manœuvre dénoncée par le PDCI.

Militer au PDCI et être favorable à son adhésion au parti unifié RHDP. Telles sont les conditions exigées aux 13 ministres (reconduits ou nommés) de ce parti avant leur entrée au gouvernement. Le Premier ministre Gon Coulibaly a en effet indiqué, au cours d’une conférence de presse ce mercredi, s’être assuré que les cadres du parti cinquantenaire partagent bien le projet du président Alassane Ouattara de voir le RHDP se muer en parti politique «avant la fin de l’année».

Les ministres PDCI ont donc fait le choix de fouler au pied la ligne directrice de leur parti qui avait pourtant affirmé qu’il donnerait sa position sur la question du RHDP après la présidentielle de 2020. Gon Coulibaly a d’ailleurs souligné qu’il avait juste effectué ses consultations avec le président Alassane Ouattara et le vice-président Kablan Duncan, sans plus. Et comme il fallait s’y attendre, la formation politique n’a pas tardé à réagir.

L’étonnement du PDCI

Dans une brève déclaration publiée dans la soirée d’hier, le PDCI soutient n’avoir été «ni informé, ni consulté» du choix de ses cadres devant intégrer le gouvernement et «marque son étonnement» face à cette attitude du chef de l’Etat ivoirien. Une situation inédite depuis 2011 et qui vient attester des tensions grandissantes entre le RDR d’Alassane Ouattara et le PDCI de Henri Konan Bédié.

Deux nominations sont particulièrement emblématiques de cette discorde. Le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani, à l’initiative courant «sur les traces d’Houphouët » qui devait faire en interne du PDCI la promotion du RHDP - un mouvement qualifié aussitôt de «nul et de nul effet » par le parti et qui lui avait valu des menaces des sanctions- a été reconduit. En outre, le député Félix Anoblé, autre fervent défenseur du RHDP, démis de ses fonctions de délégué du parti dans la ville portuaire de San Pedro pour avoir tenu des propos jugés désobligeants à l’égard du parti, a fait son entrée au gouvernement.

Pour certains observateurs, les ministres «frondeurs» PDCI pro-RHDP ont donc ainsi «obtenu une prime d’encouragement» pour poursuivre leurs manœuvres. Selon eux, avec les moyens dont ils pourront disposer dans leurs nouvelles fonctions, ils pourront, plus affirmer leur leadership aussi bien au sommet du parti qu’à la base, dans la perspective d’amener le parti à revoir sa position.

Dans un contexte où le RDR est décidé à montrer ses muscles en se passant de son principal allié pour lancer très prochainement le parti unifié RHDP, la rupture entre les deux alliés semble désormais inévitable.

La question à question à 1 million de dollars est de savoir si le PDCI ira jusqu’à demander la sortie de ses militants du gouvernement. Une attitude qui paraît risquée. Il est en effet très probable que certains (ou l'ensemble) de ces ministres refusent alors de suivre le parti, ouvrant la voie à une dissidence interne aux conséquences imprévisibles.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 12/07/2018 à 09h38, mis à jour le 12/07/2018 à 10h46