Côte d’Ivoire: Amnesty International s’inquiète de la répression contre les «voix critiques»

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Le 29/01/2019 à 15h50, mis à jour le 30/01/2019 à 12h03

Avec l’inculpation, en moins de trois mois, d’un député et de deux militants actifs sur les réseaux sociaux, l'ONG de défense des droits humains Amnesty International dénonce une «répression des voix critiques» qui «met à mal la liberté d’expression» en Côte d'Ivoire.

«Les autorités ivoiriennes doivent abandonner les poursuites judiciaires contre des activistes et opposants, et immédiatement libérer les personnes arbitrairement arrêtées pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression», interpelle Amnesty International dans une déclaration ce 28 janvier.

Trois cas sont évoqués par l’ONG internationale pour étayer ses propos. D’abord le cas du député Alain Lobognon, un proche de Soro Guillaume, incarcéré pour présumée diffusion de fausse nouvelle et incitation à la révolte, et dont le procès s’ouvre ce mardi 29 janvier. 

Le 9 janvier, ce dernier avait annoncé sur les réseaux sociaux que le procureur de la république avait ordonné l’arrestation du député Ehouo Jacques, élu maire de la commune du Plateau et accusé de détournement de fonds. Une information démentie par le procureur qui a engagé une procédure à son encontre, le 15 janvier, ayant mené à son incarcération. Bien que protégé par son immunité parlementaire et malgré l’opposition formelle de l’institution législative, il a été maintenu en prison jusqu’à sa comparution ce jour devant le tribunal. Il risque de 1 à 5 ans de prison.

Le second cas est celui d’un activiste, Soro Tangboho, alias Carton Noir, arrêté dans la ville de Korogho, au nord du pays, pour avoir filmé et publié sur Facebook une vidéo dans laquelle il montre des policiers en situation de racket. «Il a été battu dans les locaux du commissariat de police de Korhogo» et «transféré dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire (DST) où, la première nuit de sa détention, il a dormi menotté». L’activiste est détenu à la MACA, la grande prison d’Abidjan depuis 3 mois «pour trouble à l’ordre public».

Enfin, un autre activiste, Daleba Nahounou, secrétaire général par intérim de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire (CICI), proche de l’opposition et particulièrement critique envers le pouvoir ivoirien, a été inculpé le 23 janvier dernier pour «diffusion de fausse nouvelle».

«Les arrestations arbitraires et le harcèlement judiciaire des activistes et opposants ne visent qu’à museler les voix dissidentes dans un pays qui sort à peine d’élections locales émaillées de violences», a dénoncé Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

«Des opinions exprimées librement ne peuvent faire l’objet de poursuites devant les tribunaux simplement parce qu’elles sont critiques, sauf si les autorités entendent en faire un moyen pour réduire au silence les voix dissidentes», a-t-elle ajouté.

A quelques 21 mois de la présidentielle de 2020, l’organisation de défense des droits de l’homme lance donc une sonnette d’alarme alors que le pays entre dans une phase critique où le jeu politique sera animé de joutes verbales sans concession.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 29/01/2019 à 15h50, mis à jour le 30/01/2019 à 12h03