S'il avait pu devenir président, Amadou Gon Coulibaly, son compagnon de plus de 30 ans, aurait pu permettre à Alassane Ouattara et à l'ensemble de leurs compagnons du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et le peuple (RHDP) de prendre une retraite tranquille.
Malheureusement, le sort en a décidé autrement, en emportant le 8 juillet dernier celui qui incarnait le successeur idéal de l'actuel président ivoirien.
Amadou Gon Coulibaly ne faisait certes pas l'unanimité au sein même du RHDP, puisque certains lient la démission du vice-président Daniel Kablan Duncan au choix porté par Ouattara sur la personne de feu Gon Coulibaly pour lui succéder.
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D'autres n'hésitent pas rappeler que si Guillaume Soro, qui avait porté au pouvoir Alassane Ouattara, est à couteaux tirés avec lui, c'est parce qu'il n'a pas été choisi comme dauphin.
Or, c'est un impératif pour les militants du RHDP, et plus encore pour les responsables de cette formation politique, de conserver le pouvoir. Car, ils savent, mieux que quiconque, ce qui les attend en cas de perte du pouvoir. Ils auront sûrement affaire à la justice des nouveaux vainqueurs de la même manière que l'actuel appareil judiciaire ivoirien a été mis en branle contre leurs adversaires politiques.
Car, on a beau dire que la justice ivoirienne est indépendante, elle l'est sans doute davantage pour ceux qui sont actuellement au pouvoir que pour tous les autres.
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A titre d'exemple, le 25 décembre dernier une quinzaine de partisans de Guillaume Soro ont été arrêtés, dont 5 députés. Depuis lors, l'ancien Premier ministre et ancien président de l'Assemblée nationale ivoirienne vit en exil en France.
On lui reproche d'avoir détourné de l'argent, notamment en acquérant à 1,5 milliard de Fcfa, un appartement à travers la Société civile immobilière Ebur, pour son usage personnel, mais aux frais du contribuable ivoirien, alors qu'il était Premier ministre. Malgré ses justifications, avançant le fait qu'il s'agissait d'une compensation accordée par l'Etat ivoirien pour les dommages subis au moment du conflit interne, il fait actuellement l'objet d'un mandat d'arrêt international.
La justice l'a en effet condamné à 20 ans de prison ferme pour "recel de détournement de deniers publics" et "blanchiment de capitaux". Il doit également payer 4,5 milliards de Fcfa à l'Etat ivoirien.
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Guillaume Soro était le secrétaire général des Forces nouvelles qui avait pris les armes contre Laurent Gbagbo et est par conséquent celui qui a largement contribué à imposer la victoire d'Alassane Ouattara. S'il y a cette cabale judiciaire, c'est parce qu'il n'est plus dans le camp des vainqueurs.
Les vaincus de 2010 sont presque tous en prison ou déchus de leurs droits civiques. C'est notamment le cas de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, dont les péripéties devant la Cour pénale internationale (CPI) sont bien connues, mais aussi de son ancien ministre de la Jeunesse, Blé Goudé. Pourtant, après plusieurs années de procès, la justice internationale a fini par se rendre compte de la légèreté du dossier qui leur avait été soumis par le bureau du procureur.
Finalement, la CPI doit se pencher sur un énième appel introduit par la procureure, Fatou Bensouda, mais elle a décidé de rendre leurs passeports à Laurent Gbagbo et Blé Goudé, ce qui signifie qu'ils sont désormais libres de leurs mouvements après que leurs conditions de mise en liberté provisoire aient été modifiées.
Certaines sources affirment que des négociations seraient actuellement en cours pour que le prédécesseur d'Alassane Ouattara retourne en Côte d'Ivoire.
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Aujourd'hui, si la situation ne change pas politiquement, il y a fort à parier qu'Henry Konan Bédié profitera soit du soutien, soit de la neutralité de ces géants de la politique ivoirienne que sont Gbagbo, Blé Goudé et bien sûr Guillaume Soro. Ce qui risque de faire pencher la balance en sa faveur, au détriment de celui qui représentera le camp d'Alassane Ouattara.
La question que se posent les partisans de Ouattara est de savoir s'il y a quelqu'un est capable de faire le poids face à l'autre camp, celui de l'opposition. Evidemment, leur réaction consistant à faire une pétition pour demander à Ouattara de se représenter suffit comme réponse. Personne d'autre que lui au sein du RHDP n'est en mesure de gagner la présidentielle d'octobre 2020.