Présidentielle en Côte d'Ivoire: l'opposition en ordre dispersé face à Alassane Ouattara

Quelques membres de l'opposition ivoirienne.

Quelques membres de l'opposition ivoirienne. . DR

Le 17/09/2020 à 13h58, mis à jour le 17/09/2020 à 14h07

Se rassembler, manifester, boycotter? A l'approche d'une élection présidentielle à haut risque en Côte d'Ivoire, l'opposition, uniquement unie dans son rejet de la "candidature illégale" du président sortant Alassane Ouattara, hésite sur sa stratégie, dans un contexte explosif.

Après la décision lundi du Conseil constitutionnel ivoirien, qui a validé la candidature controversée à un troisième mandat du président sortant, ses principaux rivaux, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro dont les candidatures ont été rejetées, jouent des partitions ambiguës.

La coalition pro-Gbagbo a appelé à des "manifestations" et à la mobilisation pour "faire barrage à la dictature de Ouattara". Un appel qui s'inscrit dans un climat déjà tendu: les manifestations ayant suivi en août l'annonce de la candidature de Ouattara, qui avait promis de ne pas se représenter à un troisième mandat, ont fait une quinzaine de morts. Et des échauffourées ont eu lieu mardi dans plusieurs localités après l'annonce du Conseil constitutionnel recalant 40 des 44 candidatures.

Muet sur ses intentions, l'ancien président ivoirien (2000-2010), qui vit à Bruxelles, laisse pour le moment ses partisans parler pour lui.

Son ancien ennemi Guillaume Soro, qui participa à sa chute et à l'arrivée de Ouattara au pouvoir, a lui appelé depuis Paris l'opposition à s'unir "pour stopper Ouattara dans sa folle aventure, par tous les moyens légaux et légitimes".

Evoquant une saisie de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), de l'Union africaine et de l'ONU pour obtenir des "élections transparentes et inclusives", Soro n'a cependant pas exclu de mobiliser la rue. "Si nous sommes tous d'accord pour descendre et manifester, je ne serai pas en reste", a déclaré l'ancien Premier ministre et allié de Ouattara, condamné à 20 ans de prison dans son pays pour détournement de fonds.

"Au bord du gouffre"

"Je rentrerai en Côte d'Ivoire", a assuré sans donner de date Soro, qui a affirmé que sa candidature à la présidentielle était "irrévocable", mais pas au scrutin du 31 octobre, dont il affirme qu'il ne se tiendra pas. "Ouattara est inéligible, le Conseil constitutionnel est tombé dans la forfaiture, et il ne peut pas dans ces circonstances y avoir d'élection en Côte d'Ivoire", a affirmé Soro, répétant à plusieurs reprises: "il n'y aura pas d'élection". "La Côte d'Ivoire est au bord du gouffre", a-t-il lancé.

"Ca fait un peu peur. Dire qu'il n'y aura pas d'élection le 31, ca suggère la violence", juge l'analyste ivoirien Sylvain N'Guessan, qui dirige l'Institut de stratégie d'Abidjan, en soulignant la stratégie en ordre dispersé de l'opposition: "les pro-Gbagbo appellent à des manifs, le PDCI (principal parti d'opposition de l'ex président Henri Konan Bédié) va aux élections, et Soro se dit candidat...". Pour l'analyste, "la seule possibilité de l'opposition serait de faire un ticket derrière Bédié", dont la candidature a été retenue par le Conseil.

Interrogé jeudi pour savoir s'il était prêt à rallier M. Bédié, Guillaume Soro a d'ailleurs éludé.

"Election mal partie"

Ces stratégies encore opaques se mettent en place dans un climat très dégradé, sur fond de craintes de violences meurtrières à l'approche du scrutin, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010, qui avait fait 3.000 morts après le refus du président Gbagbo de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.

Bédié, Gbagbo, Ouattara, respectivement 86, 75 et 78 ans, "ces trois personnages animent la scène politique ivoirienne depuis 25 ans, dans un pays où 40% de la population a moins de 15 ans", rappelle le chercheur d'ICG (International Crisis Group) Rinaldo Depagne, qui juge l'élection "mal partie".

"Le rapport de force actuel est très violent, très inquiétant. Il y a un passage en force du pouvoir, et une scène politique chauffée à blanc", s'inquiète-t-il, citant "la violence verbale sur les réseaux, les insultes de toutes parts, les hommes politiques trainés dans la boue". "C'est d'autant plus inquiétant que l'une des caractéristiques de la politique ivoirienne est que dès qu'il y a un problème politique, il mue automatiquement en problème communautaire", ajoute-t-il.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 17/09/2020 à 13h58, mis à jour le 17/09/2020 à 14h07