Procès Gbagbo, ou quand Sam l’Africain drible la CPI

Sam l'africain interrogé à la CPI sur le procès Gbagbo.

Sam l'africain interrogé à la CPI sur le procès Gbagbo. . DR

Le 08/03/2016 à 16h36

Dépêché à la Haye pour témoigner à charge contre l’ex-chef d’Etat ivoirien, celui qui devait constituer un des témoins clefs de l’accusation en raison de sa proximité avec Laurent Gbagbo, semble manifestement avoir retourné sa veste.

Mohamed Sam Jichi, dit «Sam l’Africain» s’était illustré comme un fervent partisan de Laurent Gbagbo depuis la crise armée de 2002, et avait pris une part active à la campagne présidentielle de 2010. Son identité avait malencontreusement fuité le 5 février dernier au cours de tractations à huis clos entre les membres de la cour. Un incident qui avait provoqué un tollé dans les rangs de l’ancien régime et qui pourrait expliquer son choix de témoigner à visage découvert.L’homme d’affaires de 53 ans, ivoiro-libanais, a fait savoir au substitut du procureur, le juge Mac Donald, que le mouvement politique qu’il a créé, la Nacip, a une vocation panafricaniste et pacifique et désire «dire la vérité pour que le monde entier la sache». «Je suis un homme pacifique, c’est pourquoi j’ai accepté de témoigner». «Les gens doivent savoir pourquoi l’Afrique souffre», a-t-il dit, avant de dénoncer l’action «colonialiste» de la France, qualifiée de «père fondateur de la crise ivoirienne».Présentant Laurent Gbagbo comme son «père» et Blé Goudé comme son «petit-frère», Sam l’Africain a indiqué que ce dernier «avait toujours refusé de demander à ses partisans de s’armer». Interrogé sur le slogan, «on gagne ou on gagne» utilisé par le régime lors de la campagne présidentielle de 2010, il a signifié qu’il s’agissait d’un slogan d’«ambiance», destiné à animer la campagne, sans rapport avec «la violence».Une somme de propos qui n’ont pas manqué d’interloquer le juge Mac Donald qui a dénoncé une posture contraire à la déposition de ce dernier, recueillie le 4 novembre 2011 à Abidjan. Une interpellation qui n’a pas semblé émouvoir Sam l’Africain qui est resté sur la ligne.A la reprise du procès ce mardi, l’interrogatoire du substitut du procureur portait sur des questions générales sans encore entrer dans le fond du débat, donnant l’impression d’avoir du mal à cerner le témoin.A Abidjan, les positions restent figées selon la couleur politique relativement à ce témoignage. Pour les proches du pouvoir, l’homme fait plutôt de la diversion et ne saurait être un témoin de première importante. Du côté de l’opposition, on n’en finit pas de se délecter de ce qui est présenté comme «un camouflet de la défense».Sam l’Africain devrait rester à la barre au moins jusqu’à la fin de la semaine.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 08/03/2016 à 16h36