Deux ministres ivoiriens échappent de peu à un lynchage

15.000 tonnes saisies à la frontière avec le Ghana lors des deux premiers mois de l'année en cours.

15.000 tonnes saisies à la frontière avec le Ghana lors des deux premiers mois de l'année en cours. . DR

Le 10/03/2016 à 14h07

Dépêchés par le président ivoirien mardi dernier pour s’enquérir de la situation à Assuefry (à l’est du pays), suite à des affrontements entre militaires et des jeunes ayant entrainé la mort de deux civiles la veille, deux ministres du gouvernement ont été accueillis par des jets de pierres.

Arrivés à bord d’un hélicoptère l’après-midi du mardi 8 mars à Assuefry, localité rurale situées à 390 kilomètres d’Abidjan, Alain Richard Donwahi, le ministre de la Défense, et Kobenan Adjoumani, ministre des Ressources animales et halieutiques, cadre de la région, seront confrontés à des hués d’une foule de manifestants surexcités qui ont dressé des barricades.Dans ce conteste hostile, les émissaires du président s’engouffrent dans le véhicule du préfet venu les accueillir et ce sera sans compter sur la détermination des manifestants. C’est alors que des pierres sont lancés en direction du véhicule dont les vitres volent en éclats, devant des forces de l’ordre manifestement débordées.La veille, deux jeunes ont été tués par balle lors des violences avec des éléments de l’armée, dans un contexte de tension liée au trafic de l'anacarde (ou noix de cajou). Zone productrice de cette matière agricole, Assuefry est également un point de fuite (frauduleuse) de la production ivoirienne vers le Ghana, situé à une quinzaine de kilomètres, où les prix d’achat seraient plus rémunérateurs.Confrontés donc aux contrôles des douanes ivoiriennes épaulées des militaires, rendant difficile toute sortie de noix de cajou vers le Ghana, la tension était palpable depuis l’ouverture de la campagne de commercialisation, indique-t-on.Et afin d’épauler les douaniers, un détachement de l’armée qui n’avait pu interpeler un jeune en partance pour le Ghana avec sa cargaison sur sa moto, revient le lendemain à la charge avec des renforts venus d’autres localités proches. Et c’est en entrant dans la ville que les militaires tombent sur un groupe de jeunes et leur demandent de rebrousser chemin. S’ensuivent des disputes qui virent à des affrontements rangés faisant deux morts civiles, des blessés par balle et des dégâts matériels.Et c’est pour apporter la compassion des autorités et comprendre la situation que les deux ministres, qui étaient accompagnés du commandant supérieur de la gendarmerie et du chef d’Etat-major, avaient fait le déplacement d’Assuefry.Il aura donc fallu une heure et demie de tractations entre les jeunes, des cadres et chefs traditionnels de la localité pour dénouer l’étau autour des autorités et calmer les ardeurs des manifestants qui réclamaient le départ des militaires d’Assuefry.Pour «Le Nouveau Réveil», quotidien proche de la coalition au pouvoir, il s’agit ni plus ni moins que d’une «tentative d’assassinat». Dans ses colonnes, le confrère relève que le ministre Adjoumani qui «a été blessé à l’œil par un projectile», était particulièrement visé en raison de rivalités politiques dans la région.A noter que les deux ministres ont finalement pu tenir une rencontre avec les autorités politiques et traditionnelles d’Assuefry avant de mettre le cap sur Abidjan, sans avoir pu rencontrer les parents des victimes. Une enquête est en cours afin de situer toutes les responsabilités, a assuré le ministre de la défense.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 10/03/2016 à 14h07