Côte d’Ivoire, l’ONUCI plie bagage après 14 ans de mission controversée

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Le 13/02/2017 à 18h40, mis à jour le 13/02/2017 à 19h11

Dans 48 heures à savoir le 15 février, la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire fera ses premiers paquetages pour quitter le pays dans lequel elle était installée depuis 14 ans. A Abidjan, les avis des populations concernant ce départ restent partagés.

A Abidjan, la capitale économique ivoirienne, l’imposant quartier général de l’ONUCI installé sur les ruines de l’hôtel Sebroko surplombe le quartier de Williamsville (centre d’Abidjan) comme s’il avait été bâti pour toujours. Mais après 14 ans de fonctionnement, celui-ci fermera ses portes et le personnel prendra congé des Abidjanais. Les soldats partiront aussi.

Parmi eux, le contingent marocain déployé dans le bourbier de l’ouest de la Côte d’Ivoire depuis 2004. Un contingent dont le professionnalisme et le dévouement ont été reconnus à l'occasion de toutes les missions au service de la paix, de la sécurité et de la réconciliation nationale de la Côte d’Ivoire qui lui ont été assignées.

L’opération de départ débutera cette semaine, comme l’a confirmé la semaine dernière au Conseil de sécurité, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies pour la Côte d’Ivoire, Aïchatou Mindaoudou à New York (Etats-Unis). «Le désengagement qui débute mi-février avec le départ des Casques bleus sera effectif d’ici le 30 juin 2017», a-t-elle indiqué.

Côte d'Ivoire: l'ONUCI prépare son retrait définitif

Selon la représentante d’Antonio Guterres, l’Onuci a rempli son rôle, conformément aux mandats qui lui ont été fixés, lors de ces 14 ans de présence. «Le reste, ce sont les Ivoiriens qui devront le faire dans le cadre démocratique qui existe aujourd’hui», a-t-elle soutenu. Une vision que bon nombre d’Ivoiriens ne partagent pas, certains accusant la Mission d’avoir été partie prenante dans la grave crise postélectorale que le pays a traversé en 2010-2011.

«L’ONUCI n’a pas mis fin à la rébellion, elle a soutenu militairement Alassane Ouattara lors de la crise postélectorale. Pour moi, elle n’a rien apporté aux Ivoiriens et peut quitter le pays dans l’indifférence», a commenté André Botti, jeune patriote de Yopougon (ouest d’Abidjan), un mouvement proche de l’ancien régime d’Abidjan. «Les choses auraient pu être pire autrement», laissent pourtant entendre d’autres Ivoiriens.

L’amertume des travailleurs

La rancune entretenue vis-à-vis de la mission onusienne n’est pas seulement le fait des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo (jugé à la Haye aux Pays-Bas). Elle concerne également d'anciens travailleurs de la mission. Pour une mission prévue sur deux ans, ils auront finalement travaillé pendant 14 années avec un bon niveau de rémunération, selon certaines sources, et devront trouver un autre boulot, sans percevoir d’indemnités. 

«Licenciement» ou «fin de contrat» ? Le bras de fer est engagé entre l’ONUCI et ses agents locaux

En juin 2016, plusieurs centaines d’employés locaux de l’ONUCI avaient manifesté à Abidjan et à Bouaké, deuxième ville du pays, pour réclamer des «indemnités» de licenciement. «Nous approuvons le départ de l’ONUCI, mais nous demandons que nous soient payées des indemnités. Nous sommes 713 Ivoiriens dans cette situation», avait indiqué Olivier Gnaoré, président de l’Association du personnel recruté localement de l’Onuci (Apel-Onuci).

Un vide à combler

En réponse, la Mission avait produit un communiqué dans lequel elle soulignait que le paiement d’une telle indemnité ne faisait aucunement partie des conditions de service du personnel, ainsi que le stipulait le contrat.

Mais au-delà, ce sont des pans entiers de l’activité économique qui seront touchés: les commerces, les entreprises de transfert d’argent, les hôtels, les restaurants, les cliniques privées et même les écoles.

«De 10.000 soldats en 2009, nous sommes passés à 4.000 en avril 2016 puis à moins de 2.000 au dernier trimestre 2016, le départ se fait en douceur», confie une source au sein de l’organisation.

L’ONUCI part également en laissant certaines populations dans la détresse. Des hôpitaux de campagne avaient été installés parfois avec des équipement de pointe et offraient des soins gratuits. A Daloa, centre ouest du pays, les populations avaient même souhaité que le plateau technique du bataillon médical du Bangladesh soit maintenu après leur départ.

Pour les observateurs, la grande crainte est que le vide ainsi créé s’accentue dans la mesure où les ONG internationales d’aide humanitaire auront du mal à justifier leur présence dans le pays auprès de leurs bailleurs de fonds.

La paix est bien revenue mais elle pourrait avoir un coût difficile à supporter pour des populations, souvent pauvres, et qui, parfois, ne bénéficient que des actions sociales prodiguées par l’ONUCI.

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 13/02/2017 à 18h40, mis à jour le 13/02/2017 à 19h11