Côte d’Ivoire: les grossesses en milieu scolaire, une équation encore irrésolue

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Le 16/02/2017 à 18h06, mis à jour le 16/02/2017 à 18h32

Il y a trois ans le gouvernement ivoirien lançait la campagne «Zéro grossesse en milieu à l’école». Une politique qui ne porte pas encore ses fruits, le phénomène de la grossesse en milieu scolaire demeurant persistant. La pauvreté serait à la base du problème.

Aline à 16 ans et est enceinte de quatre mois. Elève en classe de 4e dans un établissement scolaire privé de Yopougon (ouest d’Abidjan), elle a cessé d'aller en cours depuis le mois de décembre. «Mes parents disent qu’ils ne peuvent pas en même temps payer mes cours et s’occuper de mon état. Ils m’ont demandé de faire un choix et j’ai décidé de rester à la maison. Peut-être qu’après je vais poursuivre les études», raconte-elle avec amertume.

Concernant le garçon à l'origine de la grossesse, Aline peine à donner un nom. Elles sont nombreuses ces jeunes écolières engrossées pendant l’année scolaire dans le pays. En effet, les chiffres bien qu'en baisse restent alarmants. De 6.800 cas en 2014-2015, on est passé 5.900 cas (soit 1.500 grossesses en primaire et 4.554 dans le secondaire) en 2015-2016.

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En début de semaine, les autorités de la ville de Ferkessédougou (nord du pays) dénonçaient la situation de quinze élèves mineures vivant seules dans des studios, livrées à elles-mêmes, et parmi lesquelles deux étaient déjà enceintes.

Pauvreté et laxisme

«Ce sont les parents en premier qui soumettent leurs enfants à ces risques. A l’âge de la puberté, on ne peut pas se permettre de louer une maison pour une fille. Soit on lui envoie régulièrement les moyens, soit on la confie à une famille. Sinon, vivre seule l’expose à tout », critique Ronald N’goran, enseignant à Abidjan.

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Suite à une enquête menée sur les grossesses en milieu scolaire, par une équipe de chercheurs de l’Université de Bouaké, un rapport publié fin décembre 2016 a révélé que les gérants des cabines téléphoniques et les élèves étaient généralement les auteurs de ces grossesses. Selon cette étude, 70% des filles-mères sont issues de ménages modestes, et seules 13% viennent de familles en situation précaire.

Les raisons généralement évoquées sont liées à des besoins financiers et à l’acquisition de certains biens (téléphones portables, etc.): 47% des filles ont indiqué recevoir régulièrement de l’argent de leur compagnon.

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Mais la persistance du problème s’explique également par une certaine impunité dont se font complice, sans nécessairement le vouloir, les parents des victimes.

En effet, ces cas de grossesse sont souvent réglés «sous l’arbre à palabre», de façon coutumière, de sorte que les parents des victimes déposent rarement plainte. «Dans une société africaine attachée à la culture du pardon, on cède à ce genre de tractations souvent sous la pression de la communauté», commente Ali Ouattara, étudiant en sociologie. «Il faut amener les parents à refuser toute forme de pardon afin que les coupables soient sanctionnés par la loi, sinon on mettra pas de terme au problème», souligne-t-il. «Finalement, ce ne sont pas les enseignants qui sont les plus mis à l’index. D'ailleurs, ce rapport confirme que le problème est en grande partie dû aux parents qui n’assurent pas l’encadrement de leurs enfants et c’est vraiment dommage», se désole N’goran.

Depuis trois ans, le ministère ivoirien de l’Education nationale a initié la campagne «Zéro grossesse à l’école», dont l’objectif à long terme est d’éradiquer le phénomène des filles-mères en Côte d’Ivoire. Sur le terrain, cette campagne se traduit par des modules de cours sur l’éducation sexuelle appelés «Leçons de vie». Toutefois, la route reste encore longue jusqu'à l'objectif à atteindre. 

Par Georges Moihet (Abidjan, correspondance)
Le 16/02/2017 à 18h06, mis à jour le 16/02/2017 à 18h32