Egypte: troisième dévaluation de la livre, qui a perdu près de 70% de sa valeur en moins d’une année

Une photo prise le 25 août 2022 montre des billets en livre égyptienne, en livre sterling et en dollars américains.

Une photo prise le 25 août 2022 montre des billets en livre égyptienne, en livre sterling et en dollars américains.. AFP or licensors

Le 05/01/2023 à 12h46

Le conflit russo-ukrainien a négativement impacté l’économie égyptienne. Outre la flambée des prix, la chute des réserves en dollars à cause des énormes sorties de devises par les investisseurs continue de plomber la monnaie locale. Cette dernière vient d’être dévaluée pour la troisième fois en l’espace de 10 mois dans un contexte d’inflation et de crise économique aiguë.

Après les dévaluations de mars et octobre 2022, la livre égyptienne a subi une nouvelle dévaluation le mercredi 4 janvier 2023. Contrairement aux deux précédentes, celle-ci est faible de seulement 7%: désormais, 1 dollar américain vaut 26,5 livres égyptiennes. Au total, sur les 10 derniers mois, soit depuis fin février 2022, la monnaie égyptienne a perdu 69,44% de sa valeur vis-à-vis du billet vert.

La rareté du dollar américain, principale monnaie de facturation des importations égyptiennes, devrait continuer à impacter la monnaie égyptienne et accentuer encore plus sa dépréciation dans les semaines à venir, ce qui va entretenir la flambée inflationniste. Selon les experts, cette dernière dévaluation devrait pousser le taux d’inflation à environ 23 à 25% et une augmentation des coûts des emprunts.

L’Egypte, avec ses 105 millions de consommateurs, est impactée négativement par la flambée des cours des produits agricoles sur le marché international, notamment le blé et les oléagineux. Le pays est le premier importateur mondial de blé avec des volumes annuels oscillant autour des 13 millions de tonnes. La facture des importations a donc flambé, rognant une partie des avoirs extérieurs du pays, alors que les sorties de devises par les investisseurs continuent d’être alimentées par des incertitudes sur les perspectives économiques.

A noter que les réserves en devises de l’Egypte se situent actuellement autour de 33 milliards de dollars, dont 28 milliards de dollars qui sont des dépôts effectués au niveau de la Central Bank of Egypt par les pays du Golfe. Ceci, alors que la dette extérieure se situe à plus de 143 milliards de dollars avec un service de la dette dépassant les 18 milliards de dollars par an.

Cette crise du dollar entretient celle de la flambée des prix. Des importateurs ont du mal à trouver des devises nécessaires pour payer leurs fournisseurs, accentuant les pénuries et entretenant la flambée des prix. Actuellement, 7 milliards de dollars de produits importés sont encore bloqués dans les ports, à cause des difficultés qu’ont les importateurs à trouver des dollars.

Cette situation accentue la rareté de certains produits et, donc, la flambée de leurs prix. Officiellement, l’inflation ressort actuellement à 18,7%. Toutefois, au niveau des produits alimentaires, elle se situe à des niveaux beaucoup plus élevés.

Une chose est sûre, c’est la pire crise économique que connait l’Egypte depuis 5 ans. D’ailleurs, selon Moody’s, le pays fait partie de ceux à risque en matière de remboursement de la dette.

Face à la crise, l’Egypte est parvenue à trouver un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 3 milliards de dollars, en contrepartie d’un engagement à adopter une politique de taux de change flexible. De plus, le pays table sur 5 milliards de dollars venant de ses partenaires internationaux et 1 milliard de dollars du fonds durable. Autant de ressources en devises nécessaires pour faire face au déficit de financement extérieur. Par la même occasion, les autorités égyptiennes souhaitent accélérer les processus de privatisation afin d’engranger des devises et atténuer la tension persistante de la rareté du dollar.

Par Karim Zeidane
Le 05/01/2023 à 12h46