Tourisme au Maroc et en Tunisie: de bonnes performances printanières à la veille d’une saison estivale qui s’annonce prometteuse

Le 17/06/2025 à 14h33

Le printemps, habituellement peu propice à l’arrivée des touristes, a été exceptionnellement prolifique pour le Maroc et la Tunisie. Ces afflux, qui devraient gagner en intensité en été, augurent de bons résultats pour l’ensemble de l’année. Seule ombre au tableau, le découplage entre la progression de ces arrivées et celle des recettes.

Après une année 2024 marquée par des records d’arrivées de touristes aussi bien au Maroc qu’en Tunisie, 2025 s’annonce également prometteuse pour les deux pays. Les performances enregistrées durant les quatre premiers mois de l’année, c’est-à-dire le printemps, sont plus qu’encourageantes, cette saison n’étant pas celle des afflux importants de touristes. En réduisant l’effet de la saisonnalité touristique, les deux pays améliorent donc sensiblement leurs performances, avec cependant quelques contrastes entre les deux pays.

Au printemps, le Maroc a accueilli deux fois plus de touristes que la Tunisie et surtout engrangé six fois plus de recettes.

L’époque, milieu des années 1990, où la Tunisie damait le pion au Maroc est bien révolue. Depuis, le Maroc a réussi à développer son tourisme en diversifiant son offre et en misant sur la qualité. La Tunisie, malgré les potentialités énormes dont elle dispose, a tout ou presque misé sur le balnéaire et le modèle «all inclusive» qui profite essentiellement aux tour- opérateurs.

Résultat: le Maroc s’est érigé en première destination touristique du continent en 2024 et a même réussi à déloger l’Égypte et compte bien passer le cap des 20 millions de visiteurs... pour peu que la géopolitique mondiale ne vienne pas perturber la dynamique actuelle.

Maroc: de bonnes performances à la belle saison

Au terme des quatre premiers mois de l’année, les arrivées de touristes se sont établies à 5,7 millions de visiteurs, en hausse de 23% comparativement à la même période de l’année dernière, selon les données du ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire. Durant la belle saison, le Maroc a attiré un million de visiteurs supplémentaires par rapport à la même période de l’année qui a précédé. Une performance qui place le Royaume parmi les destinations les plus dynamiques du monde.

Le fait que cette affluence de visiteurs ait eu lieu au premier quadrimestre de 2025, qui a coïncidé avec le Ramadan réputé pour être une période calme, ajoute une dimension supplémentaire au dynamisme du tourisme marocain et l’attrait de la destination Maroc tout au long de l’année.

Une prouesse qui s’explique par la prépondérance de l’offre «culture" qui attire à elle seule près de 50% des visiteurs, devant le balnéaire, la nature, le sport et loisirs…

Ces résultats ont été obtenus grâce aux atouts touristiques intrinsèques du Royaume et au schéma directeur du secteur lancé par le gouvernement. Une feuille de route qui a permis l’amélioration de la connectivité du Royaume, grâce au dynamisme des compagnies low cost (Ryanair, Air Arabia, EasyJet, Transavia…). Ces transporteurs aériens assurent un réseau dense de dessertes avec un maillage équilibré des différentes régions du pays. Enfin, la destination Maroc a bénéficié des politiques de promotion qui lui donnent une meilleure visibilité.

Sur un autre registre, les recettes ont atteint plus de 34,4 milliards de dirhams, à fin 2025, soit autour de 3,44 milliards de dollars, selon les données de l’Office des changes marocain. Ces recettes sont en hausse de 7,5%, soit +2,4 milliards de dirhams, par rapport à fin avril 2024.

Malgré cette hausse, une ombre au tableau subsiste: le découplage entre la hausse des arrivées (+23%) et la progression des recettes (+7,5%).

Un différentiel qui pourrait s’expliquer par le comportement des touristes moins dépensiers, notamment ceux, plus nombreux, qui empruntent les low cost. Ainsi, en 2024, Ryanair a été la première compagnie à desservir le Maroc avec 9,1 millions de passagers sur un total de 32,7 millions, devant Royal Air Maroc (RAM), avec une part de marché de 28%. Or, les touristes low cost restent souvent moins longtemps et dépensent moins.

Ensuite, il y a le nombre important des Marocains résidents à l’étranger (MRE) dont certains déboursements ne sont pas pris en compte par les statistiques officielles. À cela il faut ajouter l’effet Ramadan durant lequel les MRE préfèrent passer les vacances en famille.

Conséquence: la dépense moyenne par touriste s’établit à 6.035 dirhams, soit autour de 600 dollars. Actuellement, le challenge pour le Maroc est de trouver le moyen pour que les touristes sortent le plus souvent leur portefeuille, afin de générer un impact économique plus substantiel.

De quoi sera fait l’été?

Les volumes enregistrés mensuellement depuis le début de l’année permettent d’espérer de très bonnes performances durant la période estivale qui vient de débuter. Une saison connue pour ses pics d’arrivées de touristes. Outre les retours de nombreux MRE, cette période est aussi celle des afflux importants de touristes internationaux.

Ainsi, après un printemps exceptionnel, tout porte à croire que 2025 sera une année touristique record. Les réservations anticipées et la dynamique des marchés émetteurs augurent de bonnes perspectives pour le reste de l’année. Et si le Royaume parvient à maintenir ce rythme de progression, il pourrait atteindre et même dépasser la barre des 21 millions de visiteurs à la fin de l’année.

Tunisie: une progression relativement modérée

Selon les données distillées par le directeur général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT), la Tunisie a accueilli, à fin avril, 2,58 millions de visiteurs, soit une moyenne d’environ 645.000 par mois. Un volume en hausse de 9,5% par rapport à la même période de 2024.

Bien que significative, cette progression reste en deçà des espérances et de la dynamique affichée par les autres pays touristiques de la région, le Maroc et l’Égypte.

La faute incombe à une faible dynamique des arrivées des touristes algériens dont le flux n’a augmenté que d’environ 6% et celles des Tunisiens résidents à l’étranger (5%), atténuant par là les excellentes performances des arrivées en provenance d’Europe (+24,4%) et de Libye (+21%).

C’est dire que l’exigence faite aux touristes européens en voyages organisés avec les tour-opérateurs de disposer d’un passeport avec une validité minimum de trois mois à partir du 1er janvier 2025, au lieu d’une simple carte d’identité (11% des visiteurs non-résidents entraient en Tunisie avec une simple carte d’identité), et la généralisation de la taxe de séjour dans les hôtels et autres lieux d’hébergement des touristes n’ont pas affecté les flux de touristes européens.

Les recettes se sont établies, selon la Banque centrale, à 1,69 milliard de dinars tunisiens à fin avril, en hausse de 5,4% par rapport à la même période de l’année dernière. Exprimées en dollars américains, les recettes touristiques ont avoisiné les 546 millions de dollars (1 dollar US= 3,097 dinars tunisiens).

Ce volume, rapporté au nombre de touristes, donne une dépense moyenne d’environ 212 dollars, ce qui est inférieur aux capacités du pays. Ces faibles dépenses ont pour origine le tourisme de masse essentiellement orienté vers le balnéaire et qui profite aux tour-opérateurs européens mais qui n’a que peu d’effets sur l’économie du pays. Un paradoxe que les autorités tunisiennes souhaitent surmonter. Cependant, ce changement de cap nécessitera des engagements forts et des visons stratégiques qui ne manqueront pas d’apporter leurs fruits sur le moyen et le long terme.

La saison chaude de tous les espoirs

Du côté des perspectives, le début de la période estivale s’accompagne d’une hausse significative des arrivées qui devraient dépasser les 820.000 durant le mois de mai et croitre crescendo entre juin et août. Les bonnes performances attendues cet été devraient permettre au pays d’atteindre l’objectif qu’il s’est fixé pour cette année. Cette période devrait aussi connaître le retour massif des Tunisiens résidents à l’étranger.

Durant l’année 2025, la Tunisie cible 11 millions de visiteurs. En considérant les résultats des quatre premiers mois de l’année, le pays a toutes les chances d’atteindre ses objectifs.

Par Moussa Diop
Le 17/06/2025 à 14h33