Gabon: le traitement bancal des médias français

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Le 11/09/2016 à 10h10, mis à jour le 11/09/2016 à 11h05

Les médias français s'intéressent beaucoup à l'élection présidentielle gabonaise. Leur camp est cependant choisi. Leur message est clair: "Jean Ping est un saint à qui on a volé la victoire". Ce que fait Ping doit être montré sous son plus beau jour. Ali Bongo a, quant à lui, le rôle du monstre.

Depuis une quinzaine de jours, le Gabon est très présent dans les médias français, s’il n’est pas le sujet principal. Radios, télévisions et journaux de la presse écrite se jettent sur Ali Bongo et son opposant, Jean Ping. Mais l’intérêt pour l’élection présidentielle gabonaise se transforme très vite en soutien pour Jean Ping. "Il est plus vendeur", se défendent les correspondants et autres envoyés spéciaux. C’est "de la pure manipulation", disent les critiques.

Chez Radio France Internationale (RFI), on vit à l’heure de Libreville, encore ce dimanche 11 septembre 2016, soit seize jours après le scrutin. L’édition Afrique du journal s’ouvre forcément avec l’actualité politique gabonaise et l’heure de Libreville (GMT+1) est donnée systématiquement avant celle de Paris (GMT+2). Le moins que l’on puisse dire c’est que la rédaction de RFI ne tient pas Ali Bongo en odeur de sainteté.

Sens unique

Ce dimanche, le sujet sur le Gabon se résume en un acte de corruption dont serait coupable le camp du président Ali Bongo. Voilà ce qu’en dit cette radio:

"Tout part du vice-président de la Commission électorale. L’homme contacte ses deux commissaires et leur promet de l’argent pour valider les résultats donnant 95% à Ali Bongo. Un des commissaires raconte un rendez-vous avec un homme à bord d’un 4x4.

Son vice-président monte dans la voiture puis ressort avec 50 millions de Francs CFA à partager en trois. «Le prix de notre silence», dit le commissaire, qui affirme s’être repenti. «Je me suis confessé. C’est l’argent du contribuable. Je l’ai pris mais j’ai dénoncé», confie-t-il."

Evidemment, RFI donne la parole au camp d’Ali Bongo, pour se donner un semblant d’impartialité. Le mal est déjà fait. L’impartialité aurait voulu que les reporters puissent retrouver le soi-disant corrupteur. Sauf qu’à ce niveau, le mystère subsistera. Les accusateurs n’ont même pas été capables de décrire la personne qui leur aurait donné les 50 millions de FCFA. La question n’est pas posée par le reporter de savoir si cette commission n’a pas été corrompue par le camp Ping pour lui extorquer des aveux.

Traitement a minima

Quelquefois, cette partialité prête à sourire. Il faut à tout prix parler de Jean Ping, comme ce samedi 10 septembre, quand quelques dizaines de ses partisans trempent leurs mains dans de la peinture blanche et les brandissent en sortant de leur quartier général. La radio y consacre un long et creux reportage.

RFI n’est pas une exception.

Le Monde s’intéresse tout autant au sujet gabonais. Le traitement n’est pas différent. Par exemple, pour ce même sujet, si RFI a pris la peine de tendre son micro au conseiller d’Ali Bongo, Le Monde a purement et simplement décidé d’en faire l’économie. Du coup, tout l’article ne fait qu’accuser Bongo sur la base d’une seule et unique version de l’huissier de Ping.

Tous ces sujets ignorés

Sur l'ensemble des sujets, la position ne change pas. Ce qui laisse penser qu'il y a plus une propagande visant à faire paraître Ping sous son meilleur jour, tout en dépeignant Bongo comme un usurpateur de la victoire. Par exemple, continuellement, on peut lire ou entendre au détour d'un reportage l'appel de Ping au recomptage des voix dans le Haut-Ogooué. L'accusation du camp d'Ali Bongo concernant certains bureaux de vote remportés à 100% par Ping reste inaudible. Il en est de même des enregistrements d'appels téléphoniques réalisés entre Diané et Ping qui montrent clairement qu'il y a eu collusion. Et quand un pirate informatique avoue qu'il travaillait pour le camp Ping, le sujet est repris de manière presque confidentielle. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 11/09/2016 à 10h10, mis à jour le 11/09/2016 à 11h05