Ali Bongo a voulu jouer au jeu de la démocratie. Jeu interdit aux dictateurs, s’il en était. Jean Ping a continué ses menaces. Menaces impropres aux démocrates, s’il en était. Les Librevillois retiennent leur souffle à s’étouffer. Le Gabon est comme une pendule suspendue à son point d’équilibre instable. Il pourrait basculer, selon plusieurs observateurs. Dans la capitale gabonaise, la peur est à couper au couteau.
Tout le monde est suspendu à la décision de la Cour constitutionnelle qui pourrait d’ailleurs repousser son délai et différer son verdict, même si le deadline légal est fixé pour aujourd’hui, vendredi 23 septembre. L’hebdomadaire Jeune Afrique décrit une ambiance d’incertitude dans la capitale gabonaise. Alors que Radio France International (RFI) parle des précautions prises par les Gabonais pour ne pas se laisser surprendre comme lors de la journée du 31 août. Ainsi, les commerçants mettent en lieu sûr tout ce qui peut être éloigné des éventuels pilleurs. Alors que les ménages se lancent dans des achats frénétiques pour éviter une éventuelle rupture de stock.
L’incertitude des Gabonais se justifie par le fait qu’il y a eu des menaces venant de chaque camp. Jean Ping promet l’insurrection au cas où la Cour constitutionnelle ne déclarerait pas ce qu’il pense être la vérité des urnes, c’est-à-dire sa victoire. Alors que dans la journée du mardi 21 septembre, le Camp d’Ali Bongo a rétorqué avec la même verve, le verbe étant quasi identique. "S’il franchit la ligne, il sera arrêté", a lancé Alain-Claude Bilie Bye Nze, le ministre de la Communication du gouvernement gabonais.
Pour sa part, Marie-Madeleine Mborantsue, présidente de la Cour constitutionnelle, préconise de ne pas aller trop vite en besogne. "Elle a laissé elle-même planer le suspense jeudi soir à l’issue d’une séance publique, où les avocats d’Ali Bongo et de Jean Ping ont procédé à une dernière passe d’armes", constate le news magazine basé à Paris.
De toute évidence, il s’agit d’un calme apparent, mais en coulisses, on fait des mains et des pieds pour tenir l’adversaire en respect. Sur le plan juridique d’abord, et sur la communication postélectorale, ensuite. Le camp de Jean Ping a déposé deux plaintes en France concernant l’assaut de son quartier général qui avait eu lieu dans la nuit du 31 août. Il s’agit de Franco-gabonais qui n’y vont pas avec le dos de la cuiller au vu des motifs qu’ils évoquent : "arrestation et détention arbitraire en bande organisée, torture et actes de barbarie en bande organisée, tentative d’assassinat et crime contre l’humanité". Des propos attribués à l’avocat de l'un des plaignants, Me William Bourdon, lequel menace de saisir la Cour pénale internationale.
Les autorités judiciaires gabonaises, quant à elles, ont plus d’une carte dans leur manche. Il y a d’abord l’affaire de l’informaticien ivoirien qui ne pourra être poursuivi seul. Quel que soit le motif qu’on lui reprochera, il entraînera avec lui ses éventuels commanditaires. Ensuite, les pillages organisés qui ont abouti à mort d’hommes donneront, tôt ou tard lieu à des poursuites. Enfin, le ministère public gabonais a menacé de saisir la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).