Guinée: le parti présidentiel critique à son tour le Code électoral amendé

Alpha Condé, président de la Guinée.

Alpha Condé, président de la Guinée. . DR

Le 04/07/2017 à 09h41

Décortiqué, l'arrêt de la cour constitutionnelle sur la version amendée du Code électoral devient de plus en plus compréhensible. Le parti présidentiel a compris que le Code révisé ne lui était pas favorable. Il demande donc à Alpha Condé de ne pas le promulguer.

Pour beaucoup de Guinéens, il a fallu attendre des semaines pour comprendre l'arrêt de la Cour constitutionnelle qui a déclaré constitutionnelle la version révisée du Code électoral. Beaucoup d'acteurs politiques ont d'ailleurs mis du temps avant de se prononcer là-dessus. Cela n'a pas été facile non plus pour les analystes.

Pour sa part, le RPG-Arc-en-ciel estime finalement que le Code électoral, tel qu'il a été rendu par la Cour constitutionnelle, ne permet pas d'aller vers des élections crédibles en Guinée. Des cadres du parti estiment que la cour a censuré des articles essentiels. "Parmi ces articles, il y a celui portant sur la publication des résultats électoraux, celui portant sur la composition de la commission chargée de la révision des listes électorales, l’article portant sur la supervision des élections, celui sur l’assistance technique à la CENI", a cité samedi, lors du meeting hebdomadaire du RPG-Arc-en-ciel, Mohamed Hady Barry. Partant de cette liste, ce cadre du parti estime que "le code a besoin d'être renvoyé à l'Assemblée nationale pour une seconde lecture".

Comme beaucoup d'autres cadres du parti, Mohamed Hady Barry a même suggéré au président de la République de ne pas promulguer la version amendée du Code électoral. Pourtant, le RPG-Arc-en-ciel est avec l'Opposition républicaine, co-initiateur de la modification du Code électoral.

Alpha Ibrahima Keira, un autre membre du bureau politique national du RPG, s'en est pris à l'auteur de l'arrêt. Dans une diatribe applaudie par les militants du parti, Keira dira que l'arrêt est rendu à dessein par la Cour constitutionnelle pour se faire occuper. Etant donné que, estime-t-il, celle-ci "ne travaille pas toute l’année et ne fait qu’utiliser le budget de l’Etat, sans résultat sur le terrain".

Poursuivant sa diatribe, Keira a dit : "c’est un piège qui a été tendu par la Cour constitutionnelle aux partis politiques ainsi qu’aux députés". Il trouve également dans ce Code un complot contre le président de la République. Alors, reste-t-il convaincu, on ramènera le document à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture.

Réplique

Alpha Ibrahima Keira n'a pas raté l'institution constitutionnelle. Allant même jusqu'à qualifier son arrêt d'escroquerie. " Le RPG dit non parce que cette loi sur le code électoral amendé porte des germes de contentieux. La Cour a intérêt pour qu’il y ait des contentieux électoraux parce que cela lui permet d’avoir de l’argent... Cela ne marchera pas, c’est une escroquerie…"

Ces propos osés pourraient coûter beaucoup à l'ancien ministre secrétaire général à la présidence. Fâché, le Conseil de l'ordre des avocats annonce déjà des mesures contre lui. "Il est quand même allé trop loin. C'est pourquoi le conseil va animer une conférence de presse ce mardi pour le dénoncer, mais aussi pour annoncer des mesures prises contre lui", nous a confié Me Faya Gabriel Kamano, avocat au barreau de Guinée.

Les critiques du parti présidentiel font plutôt rire au sein de la société civile qui a toujours combattu une modification du Code électoral "au détriment du citoyen". Ce qui a toujours fâché la société civile et certains partis politiques, c'est le fait que le nouveau Code électoral ordonne la désignation d'un chef de conseil de quartier par le parti politique dont la liste pour les élections locales arrive en tête dans ledit quartier ou district. Pour eux, c'est retirer aux citoyens le droit de désigner leurs représentants. "Pourquoi ne pas promulguer cette loi? Ils ont tout mis en oeuvre pour que le code soit modifié, il faut qu'ils acceptent alors qu'il soit promulgué. Quand on commence, il faut terminer", a ironisé Sekou Koundouno, membre de la société civile.

Le Code a quand même une chance d'être renvoyé à l'Assemblée, vu qu'il est décrié par la plupart des acteurs politiques et analystes. "La loi ne dit pas que le président de la République promulgue quelques articles d’une loi, mais plutôt, il promulgue la loi... Bref, la promulgation d’une loi se fait en bloc et non en partie", explique le juriste et analyste politique Mohamed Camara, qui estime que le Code doit être de nouveau soumis aux députés.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 04/07/2017 à 09h41