Guinée: le fantôme du journaliste Koula hante Conakry un an après sa mort

Dans cette photo, on aperçoit une affiche (en h. à g.) portant l'effigie d'Alpha Condé qui voit passer les manifestants. L'image est anecdotique, mais ô combien symbolique. Alpha agira-t-il?

Dans cette photo, on aperçoit une affiche (en h. à g.) portant l'effigie d'Alpha Condé qui voit passer les manifestants. L'image est anecdotique, mais ô combien symbolique. Alpha agira-t-il? . DR | Le360 Afrique

Le 07/02/2017 à 09h45, mis à jour le 07/02/2017 à 12h33

Un an après l'assassinat sans précédent d'un journaliste au siège d'un parti de l'opposition, la presse guinéenne réclame justice. Le reste de la société civile et même des politiciens se joignent au combat.

Lundi 06 février. A Conakry, plus d'une centaine de personnes, en majorité des journalistes, ont manifesté pour demander que justice soit rendue concernant l'ignoble assassinat d'un journaliste au siège d'un parti politique. Mohamed Koula Diallo, journaliste du site d'information Guinee7.com et correspondant d'Afrik.com, avait reçu une balle dans la poitrine lors d'affrontements entre deux factions de l'UFDG, le principal parti de l'opposition guinéenne. C'était le 05 février 2016.

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Les manifestants ont parcouru un trajet d'environ un kilomètre. Allant du siège de la Haute Autorité de la Communication (HAC) au ministère de la Justice aux cris de:  "Justice pour Koula !", "Un mort de plus, un mort de trop !". Des slogans aussi visibles sur les banderoles ou pancartes qu'ils ont brandies. Devant le ministère de la Justice, Mame Fatoumata Diallo, membre du syndicat des professionnels de la presse de Guinée et porte-parole des journalistes a déclaré qu' "il faut que justice soit rendue" Elle a rappelé que des promesses ont été faites, des personnes interpellées, " mais les considérations politiques et les amalgames tendancieux que l'on perçoit par-ci, par-là obligent la presse à garder la tête froide et à ne pas se laisser ni endormir, ni manipuler."

Pour l'instant, la justice guinéenne marque d'inefficacité aux yeux de plusieurs journalistes. Mais ils n'ont d'autres choix que de compter sur elle encore. " Nous comptons aussi sur la collaboration des institutions compétentes en la matière ", a indiqué Mame Fatoumata Diallo.

Accusations et contre-accusations

Bah Oury, vice-président suspendu de l'Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) était au nombre de ceux qui sont venus soutenir la presse ce lundi. Pourtant, l'assassinat de Mohamed Koula s'est produit lors des affrontements qui opposaient sa faction à celle de Cellou Dalein Diallo, président de l'UFDG. " J'étais la cible à abattre. Mohamed Koula Diallo qui malheureusement se trouvait sur la trajectoire de la balle assassine est foudroyé et s'écroula mortellement blessé ", s'explique de nouveau Bah Oury dans une opinion publiée ce lundi par la presse locale.

Bah Oury a toujours accusé le camp Cellou Dalein Diallo d'être l'auteur de l'assassinat du journaliste. Il s'est d'ailleurs constitué partie civile dans le procès engagé par le ministère public, alors que deux proches de Cellou Dalein ont été inculpés et un mandat d'arrêt lancé contre un autre. " La justice devrait demander à Bah Oury de nous identifier l'assassin de Koula. Puisqu'il dit que c'est lui qui était visé ", riposte Fodé Oussou Fofana, vice-président de l'UFDG. Pour le camp Cellou Dalein Diallo, Bah Oury est tout simplement favorisé par la justice. "Les autorités judiciaires ont très tôt pris position contre l'UFDG. Une vaste campagne médiatique a été organisée contre le parti, ensuite les officiers de police judiciaire ont essayé d'extorquer des aveux pour attribuer la responsabilité de la mort du journaliste à l'UFDG", réagissait en juillet dernier Cellou Dalein Diallo, dans le magazine NewAfrican.

Solidarité

Des journalistes et patrons de presse croient que la justice devrait sortir de sa léthargie pour que cesse les accusations et contre-accusations "inutiles". "C'est seulement la justice qui devrait nous aider à connaître la vérité. Malheureusement, elle n'est pas encore indépendante dans ce pays", déplore Moussa Iboun Conté, président de l'Association des Editeurs de la Presse Indépendante (AGEPI), une des vieilles associations de presse du pays.

Pour mettre plus de pression sur le gouvernement et les autorités judiciaires, les associations de presse annoncent une journée sans presse le 05 de chaque deux mois. En ce lundi de commémoration, les journalistes et patron de presse rappellent les intimidations et actes de violence dont sont souvent victimes les journalistes en Guinée. Le cas Chérif Diallo, un journaliste du groupe de presse Adafo Media, disparu depuis juillet 2015, a été largement évoqué dans les interventions. "C'est bien ce que font les journalistes, mais ils doivent surtout être plus solidaires pour mettre plus de pression sur le gouvernement", leur conseille Dansa Kourouma, président d'une plateforme d'organisations de la société civile.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 07/02/2017 à 09h45, mis à jour le 07/02/2017 à 12h33