La campagne a été lancée à Bambéto, l'un des quartiers les plus turbulents de la haute banlieue de Conakry. La semaine dernière, lors des manifestations déclenchées par des élèves, des boutiques y ont été saccagés et une personne tuée. Avec la campagne " Réveillons en nous le civisme ", des jeunes de ce quartier ont procédé à l'assainissement des chaussées salies la semaine dernière. " C'est un mouvement qu'on a commencé avec 120 volontaires. A la fin de la journée, on s'est retrouvé avec plus de 200 personnes. Cela prouve que cet acte de civisme intéresse les gens ", a indiqué le Dr Dans Kourouma, président du Conseil national des organisations de la société civile de Guinée (CNOSG), l'organisation qui a lancé la campagne. Hormis Bambéto, d'autres quartiers de la capitale ont été touchés par le mouvement " Réveillons en nous le civisme ".
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" Nous ne pouvons pas rendre Conakry propre, mais nous voulons donner l'exemple et conscientiser les gens sur la gestion des ordures. Si chacun fait un peu de ce que nous faisons aujourd'hui, la ville de Conakry retrouvera sa belle image d'antan ", a indiqué Dr Dansa Kourouma. " Les ordures ne sont pas supérieures à nous, parce que c'est nous-mêmes qui les produisons ", a-t-il dit.
Outre l'incivisme, le Dr Dansa Kourouma pense que le gouvernement guinéen porte une part de responsabilité dans l'insalubrité à Conakry. Pour lui, l'Etat devrait tout faire pour mettre en place une décharge moderne, mais aussi privatiser la gestion des déchets. Les responsables de la société civile pensent que l'Etat est trop complaisant sur la question de la gestion des ordures. Sékou Koundouno du Balai Citoyen estime que le président de la République ou son Premier ministre devrait s'impliquer personnellement dans une campagne d'assainissement de la ville. " S'ils le font, ils mobiliseront certainement beaucoup de citoyens. Parce que les gens se diront, si le président l'a fait, pourquoi pas moi ", explique Koundouno. Pourtant, si le Président de la République ne l'a fait qu'une fois, la Première dame elle a participé plusieurs fois à des journées d'assainissement à Conakry. Mais sans succès.
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L'assainissement de la ville de Conakry a en effet toujours été un casse-tête pour les différents gouverneurs qui se sont succédés à la tête de la ville de Conakry. Dépassé par la question, Alpha Condé a, en août 2016, confié l'assainissement de la ville à l'armée. Trois mois plus tard, il a créé l'Agence nationale d'assainissement et de salubrité publique. Mais aucune de ces actions n'a encore fait bouger les lignes, pas même les milliards décaissés pour la cause. Même si Mathurin Bangoura, le gouverneur actuel, se démarque de ses prédécesseurs par quelques actions bien appréciées, il n'a pas encore réussi à trouver la recette contre l'insalubrité.
" Le problème c'est que l'Etat est trop complaisant sur la question. Et s'il ne prend pas ses responsabilités, l'Agence créée ne servira à rien ", croit Dansa Kourouma. " On a besoin d'actions fortes comme la journée d'assainissement que l'on vient de lancer. Cette journée ne sera pas un feu de paille ", s'enflamme-t-il.
La campagne ainsi lancée pourrait s'intéresser à d'autres conséquences de l'incivisme en Guinée. Mais pour l'instant, ses initiateurs pensent que la priorité reste l'assainissement de la ville de Conakry.
"Réveillons en nous le civisme" est lancée trois mois après la semaine nationale de la Citoyenneté qui avait connu une mobilisation nationale, mais qui reste encore sans effet. A l'issue de cette semaine spéciale instituée en Guinée sur proposition du ministère de l'Unité nationale et de la citoyenneté, le président Alpha Condé avait déploré le manque de civisme et citoyenneté qui se manifeste par une montée en puissance de la justice populaire, de l'insécurité, de la délinquance. " Nous avons des défis à relever. Le premier c'est le manque de l'éducation civique. Les Guinéens ont oublié le civisme et le fondement de l'Etat... ", avait déploré Alpha Condé.