Guinée: polémique autour de la grande mosquée Fayçal qui tombe en ruine

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Le 22/07/2017 à 06h48

Un des symboles de la souveraineté guinéenne, la mosquée Fayçal de Conakry, fait aujourd'hui honte au pays. Murs fissurés, toit percé, tapis retirés... Le vieux temple a un besoin urgent d'être restauré. Pendant ce temps, le débat tourne à la querelle autour du financement de cette rénovation.

Qu'est-ce qui empêche la rénovation de la mosquée Fayçal, legs de la coopération guinéo-saoudienne? La question défraie la chronique durant cette période de grandes pluies.

Exception faite du personnel, les fidèles qui viennent régulièrement prier à Fayçal se font de plus en plus rares. Il faut dire que les conditions ne sont plus réunies pour y accomplir convenablement une prière, notamment durant la période d'hivernage. L'eau de pluie suintant du toit, les tapis ont été enlevés et rangés à un lieu sûr et ce ne sont pas là les seuls désagréments.

Les rumeurs ont accusé Alpha Condé de bloquer le projet de rénovation. Mais les autorités religieuses ont trouvé un autre responsable nommé Moustapha Koutoub Sanoh, conseiller à la Présidence, ancien ministre de la Coopération et secrétaire général aux Affaires religieuses pendant la transition en 2009. Fin connaisseur des pays du Golfe, pour y avoir longtemps étudié et servi, Koutoub Sanoh est accusé de détourner des fonds débloqués par l'Arabie Saoudite pour le financement de la rénovation.

Sanoh a répliqué dans le cadre d'une conférence de presse le weekend dernier. "Il faut faire très attention à ce qu'on dit. Ceux qui prétendent que j'ai empêché le déblocage du financement n'ont aucune notion de gestion", a répliqué Koutoub Sanoh. "Le montant, il a été annoncé, mais il n'est pas encore arrivé", a-t-il renchéri.

A travers des articles de presse vraisemblablement commandités, la rénovation de la mosquée a toujours été mise à l'actif de Koutoub. Face à la presse, samedi dernier, il a confirmé que c'est grâce à lui que le prince saoudien —qu'il présente d'ailleurs comme son ami— avait décidé de financer la rénovation du bâtiment. "En 2013, alors ministre de la Coopération internationale, nous avons invité le Prince Abdel Aziz Ben Abdallah, le fils du défunt roi d’Arabie saoudite. Il s’était rendu pour la première fois en Guinée pour une visite officielle au cours de laquelle il a eu des entretiens sur d’autres dossiers", a expliqué Sanoh.

Moustapha Koutoub Sanoh a poursuivi en disant que le Premier ministre d’alors lui avait suggéré de conduire le prince à la mosquée Fayçal pour une visite surprise. "Arrivé sur les lieux, j’ai amené le prince jusqu'à l'endroit des fuites. A la sortie, il m’a dit que l’Arabie saoudite allait nous donner cinq millions de dollars pour la rénovation de la mosquée et la construction de deux immeubles attenants", a-t-il affirmé.

"En 2016, sur instruction du président de la République, j’ai effectué trois à quatre voyages en Arabie saoudite à cause de cette mosquée Fayçal. Il ressort de toutes ces démarches effectuées que c’est la corruption et la cupidité qui sont à la base du retard de financement ", a précisé Moustapha Koutoub Sanoh qui a accusé à son tour les autorités religieuses d'avoir recruté en toute opacité un bureau d'étude ayant estimé le coût de la rénovation entre 7 et 8 millions de francs guinéens.

"A notre grande surprise, on nous a annoncé qu’il existe une requête guinéenne de 7 à 8 millions de dollars pour la mosquée Fayçal. Quelle cupidité! Un partenaire vous promet une enveloppe de 5 millions pour la rénovation de la mosquée et la construction de deux immeubles, vous envoyez au même partenaire un devis de 8 millions pour la rénovation", s'est indigné le conseiller d'Alpha Condé.

Se sentant accusé par cette sortie de Sanoh, le bureau d'études Arias s'est présenté à la presse. "Nous avons été retenus sur la base d’une offre technique pour la réadaptation fonctionnelle de la mosquée en la faisant passer d’une architecture soudano-sahélienne à une architecture tropicale. L’avantage de cette étude, c’est qu’elle permettait de rénover de façon durable cette mosquée et d’arrêter les rénovations tous les trois ans", a répliqué Laurence Jean Roger, directeur général du Bureau Arias, en conférence de presse hier mercredi.

Le patron du bureau d'études précise que les travaux de rénovation concernent la charpente, la couverture et l'étanchéité. "Cette mosquée, a-t-il indiqué, depuis 1984, n’a pas fait l’objet de changement de son étanchéité structurelle".

Selon Laurence Jean Roger, l'Arabie saoudite avait plutôt été refroidie par l'attribution du même marché de rénovation à une entreprise marocaine. Qui aurait donné ce marché aux Marocains? Roger ne le sait pas. En tout cas, une année après le passage du prince saoudien, les autorités guinéennes avaient accueilli le roi du Maroc en 2014. Et, elles lui avaient demandé de l'aide pour la rénovation de leur mosquée qui se délabrait. Une source a indiqué au site Kalenews: "le Maroc a entièrement financé la rénovation de la mosquée, mais la destination de la somme reste inconnue".

En attendant d'y voir plus clair sur le financement de la rénovation, la polémique se poursuit, la dégradation de la mosquée aussi.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 22/07/2017 à 06h48