France: la galère des jeunes migrants africains

Des mineurs isolés viennent partager un repas dans le nord de Paris, en mars 2019

Des mineurs isolés viennent partager un repas dans le nord de Paris, en mars 2019. Crédit : InfoMigrants

Le 05/08/2020 à 12h45, mis à jour le 05/08/2020 à 12h48

Ils sont jeunes, isolés et sans ressources, mais l'Etat les estime majeurs, ce qu'ils contestent. Depuis un mois, plus de 70 migrants campent dans Paris pour réclamer l'aide accordée aux mineurs isolés, en attendant que la justice se prononce sur leur âge. Récits de "galère".

Ousmane* assure avoir 17 ans, alors que la "machine" lui en avait donné plus à son arrivée en France. Il dit avoir quitté le Mali pour la France fin 2017, après la mort de son père.

"Je galère depuis presque trois ans, ça me fatigue", souffle ce jeune homme longiligne à la moustache naissante, déclaré majeur par l'évaluation administrative réalisée lors de son arrivée à Paris. L'ONG Médecin Sans Frontières (MSF) lui a trouvé, dans le Sud de la France, une famille d'accueil qui a réussi à le scolariser pendant quelques mois. Puis, le juge des enfants a estimé qu'il y avait "un doute" sur son âge et ordonné sa prise en charge temporaire par l'Aide sociale à l'enfance (ASE), service de protection des mineurs.

Ousmane est donc rentré à Paris. Pendant plusieurs mois, l'ASE l'a hébergé et envoyé au lycée, mais il n'a pas réussi à faire soigner son genou, qui le fait souffrir depuis son passage par la Libye et sa traversée de la Méditerranée. Fin 2019, tout s'arrête: la justice le déclare finalement majeur sur la base d'un test osseux et le jeune homme se retrouve à la rue.

"La machine dit faux", proteste Ousmane. Ces tests, très controversés, ont une marge d'erreur estimée entre 18 mois et trois ans.

Ousmane a fait appel, mais ne sait pas encore quand il sera rejugé. "Je n'arrive même pas à comprendre ma situation", soupire-t-il. "Je veux juste une vie normale: une maison, un métier. J'aimerais être cuisinier."

- Daniel: "Je suis dégoûté" -

Daniel a "16 ans et demi", précise-t-il. Ce jeune homme joufflu a débarqué en France en janvier, après avoir quitté la République démocratique du Congo (RDC), où son père a été emprisonné lors d'une manifestation.

Il est considéré comme majeur par l'évaluation réalisée à son arrivée en région parisienne. D'abord accueilli par la communauté congolaise, Daniel s'est retrouvé à la rue à la fin du confinement et a découvert les nuits en tente, notamment dans un quartier du Nord de Paris haut-lieu de trafic et de consommation de crack. "C'était trop difficile, il y avait trop d'+addicts+ (drogués) et de violences", raconte-t-il. "Je suis dégoûté. En venant en France, j'imaginais pas vivre ça."

Il n'y a pas que les Africains, Shahram: "Trop de stress"

Shahram, qui dit avoir 15 ans, est arrivé à Paris "il y a neuf mois", après un long périple qui l'a vu fuir l'Afghanistan par les montagnes iraniennes. Lors du processus d'évaluation de sa situation, "la dame m'a dit: +tu n'es pas mineur, car tu parles anglais et tu as de la barbe+", raconte ce jeune homme frêle qui pourrait difficilement arborer plus qu'un bouc.

Hébergé dans un centre accueillant des hommes seuls en région parisienne, il a été mis dehors fin février, peu avant le confinement décrété face à la pandémie de Covid-19. Il a passé plusieurs jours à la rue, avant d'atterrir dans un hôtel social d'un quartier populaire de Paris, où il est resté seul pendant la crise sanitaire.

"Je jouais à des jeux sur mon portable, mais quand je n'avais plus d'internet, ça me rendait fou", raconte-t-il. "C'est trop de stress, je pense trop à ma famille et à ma situation", confie celui qui "rêve d'aller à l'école" et de faire venir sa mère, malade, en France.

En attendant l'audience judiciaire devant statuer sur son âge, "des fois, je songe à rentrer", poursuit-il, les yeux embués. "Mais ma mère m'a dit de ne jamais revenir."

*Les prénoms ont été modifiés.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 05/08/2020 à 12h45, mis à jour le 05/08/2020 à 12h48