«On prend les mêmes et on recommence», cette vieille formule s’applique parfaitement aux résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018 au Mali, dont les résultats ont été communiqués par le ministère de l’Administration territoriale, jeudi enfin d’après-midi.
Ainsi, Ibrahima Boubacar Keita (IBK), président sortant, candidat du Rassemblement Pour le Mali (RPM), 73 ans, arrive en tête avec 1.333.813 voix, soit 41,42% des suffrages. Il va affronter au deuxième tour, Soumaila Cissé, chef de fil de l’opposition, candidat de l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD), 68 ans, qui a réalisé un score de 573.111 voix, soit 17,80% des suffrages.
Sur la base de ces résultats totaux officiels, mais provisoires en attendant d’éventuels recours, ces candidats s’affronteront dans le cadre d’un second tour prévu le 12 juillet prochain, comme en 2013. Cette configuration bis renvoie également à un duel Sud/Nord, le premier étant de Kouthiala (région de Sikasso), alors que le second est natif de Niafunké (une circonscription de la région de Mopti).
Derrière ces deux (2) poids lourds, on note la percée du candidat Mamadou Aliou Diallo, un homme d’affaires qui a fait fortune dans les industries extractives, notamment les mines d’or, avec 7,95% des suffrages.
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Celui-ci est talonné de près par Cheikh Modibo Diarrha, ex-chef du gouvernement de transition (avril-décembre 2012/après le putsch du capitaine/général-Amadou Haya Sanogo), ex-Directeur de «Microsoft Afrique» et gendre de l’ancien président Moussa Traoré, qui a récolté 7,46% des votes.
Du coup, ces deux candidats malheureux se retrouvent dans la posture de faiseurs de rois. Une vingtaine de candidats totalisent des scores oscillant entre 4% et moins de 1%. Le taux de participation global est de 43,06%. Gros couac dans l’expression citoyenne du suffrage universel 700 bureaux de vote, sur un total de 23.000, situés au Nord et dans le Centre du pays, sont restés fermés en raison de violents incidents.
Ainsi, malgré le bilan d’un mandat catastrophique au plan sécuritaire, et fortement controversé en matière de gouvernance, le président en exercice, arrive largement en tête au premier tour. Ainsi, il a de réelles chances de rempiler, car la perspective d’un second tour dans une configuration «Tout Sauf IBK» ou «Tous contre IBK» est loin d’être évidente, notent de nombreux observateurs jeudi soir.
Parmi les recalés du premier tour, l’actuel locataire du Palais de Koulouba (colline surplombant la capitale malienne) devrait trouver des soutiens. Cela pourrait être notamment le cas du candidat Cheikh Modibo Diarrha et probablement d’autres encore, souffle une source bien au fait de la sociologie politique sur les bords du Djoliba, ce fleuve qui traverse la quasi-totalité des grands centres urbains du Mali et d’immenses contrées rurales.
Ce second tour sera organisé dans le contexte sécuritaire d’un pays déchiqueté, presque sous tutelle, avec une forte présence militaire et politique de la communauté internationale. Présence de la force française «Barkhane» qui a pris le relais de l’opération «Serval» déclenchée en janvier 2013, pour chasser des groupuscules terroristes ayant conquis les régions du Nord (Tombouctou, Gao et Kidal).
Il y a également la Mission Multidimensionnelle Intégrée de l’Organisation des Nations au Mali (MINUSMA). Le Mali est membre du G5 Sahel aux côtés du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad. Une brigade anti-terroriste chapeautée par la France, dont il vient de perdre le commandement.
Malgré cette présence, la violence a persisté au Nord, et s’est propagée au Centre, en prenant nettement une tournure ethnique depuis quelques mois. Pire, ce phénomène prend une dimension sous régionale en se propageant désormais au Burkina Faso et au Niger, alors que la question du statut de Kidal et l’attitude du principal «allié» la France, vis-à-vis de cette question reste une véritable énigme. Il faut ajouter à tous ces sujets d’angoisse, le boulet de l’Accord de Paix d’Alger, un machin rangé dans les placards depuis plus de 3 ans.
Tout cela montre clairement les enjeux géostratégiques, politiques et sécuritaires du deuxième tour de l’élection présidentielle malienne du 12 août prochain.
Une «compétition» inédite dans un pays fracturé au Nord et au Centre, qui ne peut pas se payer «le luxe» d’une crise post-électorale dans le Sud, au risque de mettre totalement en lambeaux une souveraineté largement entamée.
Le premier challenge de l’élu du 12 août 2018 sera de redonner au grand Mali, pays central en Afrique de l’Ouest, avec une histoire et une culture de référence, cette dignité et cette fierté tirée de la nuit des temps.