Un cahier des charges nécessaire pour certains, intenable pour d'autres dans un pays en proie à la propagation jihadiste et à une multitude de maux.
- Quels sont les chantiers? -
La préparation d'élections présidentielle et législatives arrive en tête de liste, pour les Maliens comme pour leurs partenaires étrangers. Les dirigeants des Etats ouest-africains qui se réunissent samedi au Ghana devraient insister sur le respect des échéances convenues.
Après leur putsch d'août 2020, les colonels se sont engagés à une transition limitée à dix-huit mois avant de rendre les commandes aux civils. Le premier gouvernement qu'ils avaient mis en place avait fixé ces élections au 27 février 2022. Ils ont maintenu ce calendrier après un second coup d'Etat qui a évincé le président et le Premier ministre de transition fin mai.
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Plus de la moitié des dix-huit mois de transition s'est écoulée sans avancée majeure.
Le calendrier énoncé par le précédent gouvernement de transition prévoyait aussi un référendum sur la Constitution et des élections locales fin 2021. Il n'a pas été remis en cause à ce jour.
Le nouveau Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a annoncé dimanche d'autres "chantiers prioritaires": améliorer la sécurité dans un pays infesté de groupes armés; mener des réformes politiques et réviser la Constitution; moraliser la vie publique, dans un pays où sévissent corruption et clientélisme.
Ces chantiers "relèvent des prérogatives normales du Premier ministre, mais aura-t-il les ressources économiques et humaines pour les mettre en place?", interroge le sociologue Yacouba Dogoni.
"Tant qu'il y aura l'insécurité, les autres chantiers ne pourront pas avancer", pense-t-il.
Selon l'ONU, seuls 14% des administrateurs civils, relais essentiels des politiques nationales, sont à leur poste dans le Nord, en raison des violences.
- Neuf mois, est-ce jouable? -
Le Premier ministre lui-même a parlé de "course contre la montre".
"Il va falloir prioriser", dit M. Dogoni. "Tenir des élections est important pour la communauté internationale et la sous-région, il faut le faire", dit-il.
Dans le quartier de Badalabougou à Bamako, l'épicier Bako Togola pense que le respect des neuf mois est "nécessaire". Une jeune femme venue acheter du pain estime au contraire que le délai est "intenable", et craint qu'on ne "refasse les mêmes erreurs que par le passé en se ruant aux élections, qui ne seront pas bien faites".
Beaucoup partagent cette crainte. "Il faut des bases saines pour faire des élections, sinon les problèmes de fond seront encore là à la prochaine mandature", dit sous couvert d'anonymat un chercheur malien, en référence aux vieilles tares d'un système mises en lumière par cinq coups d'Etat en 60 ans d'indépendance.
Le dilemme est "de taille", explique-t-il: se plier à l'impératif des dix-huit mois alors que le système électoral est très critiqué, ou prendre le temps d'assainir les institutions. Les militaires voulaient initialement trois ans de transition.
- Quels écueils? -
Le second gouvernement de transition prend ses fonctions alors que la France a suspendu ses opérations militaires conjointes avec l'armée malienne dans l'attente de garanties après deux putschs en neuf mois.
La France vient aussi d'annoncer la fin future de l'opération Barkhane, pour une autre forme d'engagement militaire. Les implications sont incertaines mais c'est pour les Maliens une inquiétude supplémentaire.
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Outre l'hypothèque sécuritaire, le contexte social reste tendu. Le principal syndicat a suspendu une grève lancée pour réclamer le paiement des salaires, primes et indemnités. Mais il reste "en embuscade", selon un diplomate africain.
A l'issue d'une rencontre avec le gouvernement censée apaiser le climat mardi, la centrale syndicale a donné dix jours à M. Maïga pour apporter des réponses.
Sur le plan politique, le nouveau gouvernement a laissé plusieurs partis de l'ancienne majorité sur la touche.
Le parti de l'ex-ministre Tiébilé Dramé redoute une "fuite en avant", se disant "inquiet des risques d'instabilité liés à une transition non consensuelle".
"Nous ne devons point accepter de laisser perdurer cette situation pour la population", écrit le Journal du Mali dans un éditorial. Il se garde de pointer "un doigt accusateur vers la nouvelle équipe dirigeante". "Wait and see", dit l'hebdomadaire.