Au Mali, singulièrement à Bamako, les présumés voleurs sont soumis à la vindicte populaire. Ils sont attrapés et brûlés vifs par des masses déchaînées. Le nom de code de cette pratique qui remonte au début des années 1990, au temps fort de la révolution malienne, est ‘’l’Article 320’’, comprenez: 300 FCFA pour le litre d’essence et 20 FCFA pour la boîte d’allumette, soit le nécessaire pour mettre le feu au présumé voleur.
Ce mode de justice populaire s’était un peu essoufflé jusqu’en 2012 avec la crise multidimensionnelle qu’a connu le pays. Avec l’insécurité grandissante, les actes de banditismes, de braquage et d’attaques à main armée se sont multipliés notamment dans le district de Bamako. Les paisibles populations sont attaquées et dépouillées de leurs motos (Djakarta, moto très prisée par les jeunes au Mali) par des hommes armés de nuit comme de jour qui n’hésitent pas à leurs ôter parfois la vie pour emporter l’engin.
Face à cette recrudescence des attaques et des vols, en dépit des patrouilles initiées par les autorités en charge de la sécurité, les populations ont renoué avec cette vieille pratique de l’article 320 qui consiste à se rendre justice. Actuellement à Bamako, il ne se passe pas une semaine, sans qu’un présumé voleur ne soit lynché par les populations. La scène est impitoyable, mais elle reste la seule solution, selon plusieurs personnes, pour lutter efficacement contre le banditisme.
«Les voleurs n’hésitent pas à tirer sur les motocyclistes pour prendre leurs motos. Je connais quelqu’un qui a perdu la vie à cause d’une moto Djakarta (un peu plus de 300.000 FCFA). Si on les attrape, on doit les faire subir le même sort», tempère un témoin d’une de ces scènes insoutenables qui s’est déroulée ce week-end dans un quartier périphérique du District de Bamako. Le jeune, la vingtaine, a rendu l’âme avant l’arrivée de la police.
Face à cette recrudescence des vols et la violence des voleurs, la justice populaire est imputoyable. Cette semaine, trois voleurs de moto ont été brulés vifs à Bamako.
Le retour de l’article 320 est le résultat d’une justice corrompue et la perte de confiance entre les justiciables et les justiciers institutionnels. Il n’est pas rare que la victime et le bourreau se rencontrent nez à nez, après le forfait du vol. C’est pourquoi, les citoyens n’ayant plus confiance en la justice se rendent de plus en plus justice eux-mêmes, au grand dam des droits humains.