Mali: la fête du mouton à la sauce bamakoise

DR

Le 11/09/2016 à 13h23, mis à jour le 11/09/2016 à 13h33

Les Bamakois bien que confrontés aux effets de la crise socio-sécuritaire du pays sont déterminés à fêter, comme il se doit, la fête de l’Aïd el Kébir, appelée la fête du mouton. Cela, au prix d’une sérieuse saignée dans le maigre budget famille.

A quelques heures de la célébration de la fête de Tabaski prévue ce lundi 12 septembre, Bamako est en effervescence. D’importants mouvements de foule s’alternent entre la rive droite et la gauche du fleuve Niger qui scinde en deux la ville des trois Caïmans, surplombée par les collines de Koulouba (siège du Palais présidentiel) et du Point G où se situe l'hôpital éponyme de première référence.

La particularité de cette ville de plus de deux millions d’âmes, c'est la concentration de l’essentiel du commerce et de toute l’administration sur la rive gauche du fleuve. Aujourd’hui, malgré la construction de trois ponts entre les deux rives pour faciliter les mouvements de va-et-vient, on assiste toujours, surtout en cette période spéciale, à des embouteillages montres. La ville ne dort presque plus. On a l’impression que la population de Bamako a doublé ces derniers jours, tant tout le monde est sorti pour les derniers réglages. Difficile de se frayer un chemin.

Pour ne pas se faire prendre dans les bouchons, beaucoup, notamment la tranche jeune, préfèrent faire leur course à moto, plus rapide que les véhicules. «Je préfère rejoindre le centre commercial à moto que prendre un véhicule. Malgré le risque de m’exposer à un éventuel accident (car les motocyclistes roulent dans un mépris total du code de la route), je prends la moto pour ne pas passer deux ou trois heures pour une course de moins d’une heure», explique Salif Sidibé, employé de banque.

Comme Sidibé, ils sont nombreux à préférer ce moyen de déplacement en cette période pour faire leurs courses.

Bamako se vide au grand bonheur des compagnies de transport

Ces bouchons sont surtout consécutives aux déplacements des bamakois vers l'intérieur du pays. La capitale malienne se vide de la plupart des résidents à l’occasion de la fête de Tabaski au profit du village. Les salariés attendent le début du week-end pour ls erniers achats avant le départ. C’est un fait ancré dans l’habitude des Bamakois et bien d’autres habitants des autres capitales des régions du pays. C’est un rendez-vous incontournable pour, dit-on, se ressourcer. Pour beaucoup, il est inimaginable de faire la fête de Tabaski à Bamako.

Pour le sociologue Seydou Diarra, ce n’est pas un fait du hasard. «C’est l’une des valeurs traditionnelle léguées par les parents afin de maintenir la notion de la grande famille. Faire la fête de Tabaski au village permet aux membres de la famille de se retrouver autour des parents et grands-parents», explique le sociologue qui ajoute qu’au cours de ces retrouvailles, les vieux font des bénédictions et prodiguent des conseils pour maintenir la cohésion sociale au sein de la grande famille.

Pendant toute la semaine, les compagnies de transport sont prises d’assaut par des familles entières. Les tickets sont réservés un ou deux jours d’avance. Un tour à la gare routière de Sogoniko, en commune VI du district, suffit pour comprendre cette détermination des Bamakois à aller fêter au village. «Je n’ai jamais fêté la fête de Tabaski à Bamako, même quand j’étais étudiant. Je pars au village (Kolokani) avec ma femme, qui est d’ailleurs du même village que moi, et nos trois enfants. C’est un rendez-vous annuel», nous confie Moussa Traoré, sourire aux lèvres à bord d’un taxi. Au siège de la compagnie de transport Binké Transport, sis à Daoudabougou, la cour est bondée de monde. Idem pour Ghana Transport à Medina Coura, près du stade Modibo Kéïta.

Ce mouvement ininterrompu de voyageurs est une bonne affaire pour les compagnies. Même si aucun n’a voulu évoquer un chiffre, tous ont indiqué que cette période de grande affluence est une aubaine pour les compagnies de transport.

Le Bazin brodé, la vedette du jour J

Le bazin (tissu fabriqué par certains pays européens comme l’Allemagne) est très prisé par les Maliens pour confectionner les habits de fête. On y trouve pour toutes les bourses (bazin riche et moins riche etc.). Entre les Maliens et le bazin, c’est le grand amour. Il est notamment cousu en grand boubou avec de la broderie non seulement pour hommes, mais aussi pour les femmes qui l’arborent fièrement les jours de fête.

Le jour de la Tabaski, hommes, femmes, jeunes et vieux, s’habillent en bazin pour la prière. Et mieux vaut ne pas s'afficher en public, si on ne porte pas ce tissu, qui peut être teinté de toutes les couleurs, la couleur blanche étant la plus prisée.

S’agissant de l’aspect culinaire de la journée, le ton est donné après la mosquée par la rupture du petit jeûne matinal. Tout le monde a droit à quelques morceaux de foie grillé. Ceci sert d’entrée pour une journée de grande bouffe.

Ensuite, la viande du mouton est divisée en trois parties. La première partie réservée pour le plat du jour à base généralement de riz, de couscous arabe ou d’igname pour certains. La deuxième partie est grillée au charbon et consommée avec le traditionnel thé. La dernière partie est réservée à l’offrande, particulièrement aux belles-familles.

Le traditionnel ‘’Sambè Sambè’’

Au Mali, chaque jour de fête musulmane est marqué par le ‘’Sambè Sambè’’ (les traditionnelles salutations que s’échangent d’abord les membres d’une même famille, puis les proches et la communauté). L’évènement a une particularité chez les Maliens, où la vie en société est encore une réalité.

Juste après la prière qui a lieu vers 9 heures les rues sont envahies par des milliers personnes de tous âges pour le traditionnel ‘’Sambè Sambè, qui consistent à se déplacer pour aller saluer et demander pardon à un parent, un proche, un ami, un collègue, la belle-famille etc. Si la demande de pardon à son prochain est une recommandation de la religion musulmane, le ‘’Sambè Sambè’’ au Mali témoigne du respect et de l’attachement aux liens familiaux.

Pendant toute la journée, des mouvements de foules composées des tout petits (entre 4 et 13 ans), des jeunes et vieux, animent la ville, jusqu’à tard dans la nuit et même les jours suivants. Les champions du jour en la matière, ce sont les enfants. Après avoir arboré leurs habits de fête, ils se déplacent par petits groupes dans les quartiers pour faire le porte à porte. En retour, pour leur remercier, les familles visitées leur offrent des sous. Au terme de la journée, certains récoltent des montants allant de 1000 à 1500 FCFA ou plus.

Cependant, ce mouvement de foules, notamment des enfants, n’est pas sans conséquences. Chaque année, des cas d’accidents de la circulation, souvent mortels, sont enregistrés.

Sambè Sambè à toutes et à tous…!

Par Daouda Tougan Konaté (Bamako, correspondance)
Le 11/09/2016 à 13h23, mis à jour le 11/09/2016 à 13h33