Afrique: les deux leçons à retenir du "contrôle des investissements étrangers" de Macron

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Le 23/06/2017 à 12h24, mis à jour le 23/06/2017 à 13h40

Enarque, banquier et ex-ministre des Finances, Emmanuel Macron a surpris tout le monde en voulant contrôler les investissements étrangers à cause des idées libérales qu'il a toujours prônées. Cependant, les économies africaines ont au moins deux leçons à en tirer et à appliquer en toute urgence.

C'est l'une des idées les plus chères à Emmanuel Macron. Il veut bien la vendre à l'Europe pour lui donner une légitimité internationale et éviter de paraître anti-libéral, ce qui serait le comble pour un banquier-président.

Le chef d'Etat français veut en effet mettre en place "un dispositif européen de contrôle des investissements directs étrangers (IDE)". Dans un monde où l'on cherche à les attirer, une telle attitude pourrait être incompréhensible. Cependant, la logique qu'il soutient est d'éviter que par ces investissements, les pays non occidentaux qui sont moins développés, qui maîtrisent moins la technologie et qui sont moins avancés scientifiquement dans plusieurs domaines ne rattrapent leur retard par de simples acquisitions d'entreprises de référence.

Volvo est devenu chinois, ses brevets avec

Cet ex-banquier connaît la puissance de la finance internationale. D'autant que la structure morcellée du capital de certains fleurons de l'industrie les rend extrêmement vulnérables face à d'éventuelles offres publique d'achat (OPA) hostiles.

Dans le passé, plus précisément en 2010, on a pu voir Volvo passer entre les mains du Chinois Geely pour 1,8 milliard de dollars seulement. Or, plus d'une quinzaine d'Etats africains auraient été capables de décaisser une telle somme, notamment en s'endettant sur les mêmes marchés occidentaux. Et pour une entreprise comme Volvo 1,8 milliard de dollars ce n'était pas très cher payé. 

En effet, Volvo en 2010, ce n'étaient pas seulement les 460.000 unités de véhicules automobiles qu'il pouvait vendre annuellement. Le constructeur suédois ne se limite pas non plus à son chiffre d'affaires de 17,3 milliards d'euros réalisé en 2016. C'est bien plus que cela sur le plan stratégique. En rachetant cette marque, le chinois Geely acquérait des décennies de recherche et de technologie. En effet, par cette simple transaction, tous les brevets, méthodes, la compétence et l'expérience passaient entre les mains de Geely pour 1,8 milliard de dollars seulement. Qui peut empêcher ce privé voire l'Etat chinois d'effectuer en toute liberté le transfert de technologie dont l'économie de l'Empire du milieu a besoin? 

Acheter Total, Exxon, BP... pour rompre la dépendance

Pour l'Afrique, la première idée qu'il faut retenir de cette position de Macron c'est justement l'opportunité que représente toute prise de contrôle des grands groupes mondiaux. Ainsi, le pétrolier Total qui s'est enrichi sur le dos des pays africains du Golfe de Guinée (Congo, Gabon, Cameroun, Nigeria) ne leur est pourtant pas inaccessible, et l'acquérir ne serait que justice. Il faudrait juste débourser quelque 55 milliards d'euros qui représentent 50% du capital ce 23 juin 2017 à la Bourse de Paris. 55 milliards de dollars, c'est énorme pour des pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Ghana, dont le budget n'atteint pas 10 milliards de dollars par an. Mais, cette somme paraît dérisoire devant ce que pesait le fonds souverain libyen. Ce n'est pas inaccessible si on le compare au programme d'investissement d'OCP Group. 

Avant d'avoir été spolié par les banques occidentales, la Libya Investment Authority gérait plus de 70 milliards de dollars d'actifs selon, le cabinet conseil Precinq. Mais encore aujourd'hui, le fonds est capable de lever suffisamment de ressources pour prendre le contrôle d'un groupe comme Total. Avec un peu d'effort, le Maroc, l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Algérie, peuvent bien arriver à contrôler des groupes auxquels les Européens tiennent tant. Ils y tiennent au point de vouloir contrôler les investissements étrangers venant de pays dont ils se méfient. 

Au delà de cette nécessaire vision stratégique que doivent avoir les pays du continent, il y a une deuxième idée qui ressort de cette proposition de Macron. C'est que les investissements directs étrangers ont beau être d'excellents moyens pour se développer, ils ne seront jamais anodins.

S'il s'agit d'un moyen de transfert de technologie, ils doivent être favorisés par l'ensemble des pays africains. C'est le moyen le plus rapide de développer des secteurs comme l'automobile, l'aéronautique voire l'armement, les chantiers navals, et tous les secteurs de haute technologie. Mais, quand il est question d'exploiter uniquement les ressources du sous-sol du continent, il est important de se montrer prudent, sélectif et de savoir bien négocier les contrats. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 23/06/2017 à 12h24, mis à jour le 23/06/2017 à 13h40