Maghreb: voici le coût du Hajj par pays et les raisons de son envolée

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Le 08/06/2022 à 11h30, mis à jour le 08/06/2022 à 11h56

Les coûts du pèlerinage à La Mecque ont fortement augmenté cette année, suscitant même des polémiques. Voici les quotas, les coûts et les facteurs expliquant cette hausse vertigineuse des tarifs du pèlerinage aux lieux saints de l'islam.

Faisant partie des cinq piliers de l’islam, le grand pèlerinage à la Mecque (Hajj) est de retour après une absence de deux ans (les éditions 2020 et 2021 étant réservées uniquement à un petit nombre de pèlerins résidant en Arabie saoudite), en raison des restrictions de voyage liées à la pandémie de Covid-19. Toutefois, ce retour du Hajj, qui coïncide avec l’an 1443 de l’Hégire, est marqué par deux faits notables: une nette réduction des quotas de pèlerins accordés à chaque pays et une forte hausse du coût du pèlerinage.

Concernant le premier volet, selon les autorités saoudiennes, seulement un million de personnes (nationaux et étrangers) seront autorisées à accomplir le pèlerinage à la Mecque cette année. Ce sont ainsi des coupes de 30 à 50% qui sont appliquées aux quotas habituellement réservés aux différents pays. Le Maghreb, en particulier, a vu ses quotas baisser de manière significative. Pour les 5 pays de cette zone, seuls 44.177 pèlerins sont autorisés à faire le Hajj cette année.

L’attribution des places se faisant en fonction de l’importance de la population, au niveau du Maghreb, c’est l’Algérie qui dispose du plus important contingent avec un 18.697 pèlerins autorisés, en baisse de 49,20% par rapport à l’édition de 2019. Le Maroc suit avec 15.392 places, en baisse de 45% par rapport à 2019 (35.000 pèlerins). Puis, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie suivent avec respectivement 4.972, 3.531 et 1.585 pèlerins.

Hausses très significatives

Outre la baisse des quotas, le Hajj 2022 est aussi marqué par une flambée des coûts. Les candidats au pèlerinage de cette année seront obligés de débourser des montants en forte hausse comparativement à ceux des années précédentes. Au Maroc, le prix communiqué par le ministère des Habous et des affaires islamiques est passé de 49.906 dirhams en 2019 à 63.800 dirhams en 2022 (autour de 6.491 dollars). Le tarif du Hajj de cette année affiche ainsi une augmentation considérable de 37,05%, ou 13 894 dirhams, par rapport à celui de 2019. Ce qui est considérable.

En Algérie, le coût du Hajj 2022 est fixé à 856.100 dinars (5.867 dollars), soit une augmentation de 51,52%, ou 291.000 dinars, par rapport au coût de 2019. Un montant jugé trop élevé dans un contexte de hausse générale des prix des produits de consommation et des services. 

Evidemment, la polémique n'était pas loin. Et la Fédération algérienne des consommateurs (FAC) s’en est fait l’écho en sollicitant l’intervention du président Abdelmadjid Tebboune afin de réduire ce tarif. Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs a été, de son côté, interpelé sur la question, le 28 mai dernier, par un député.

Face à cette polémique, lors du Conseil des ministres du samedi 5 juin, le président algérien a décidé que l’Etat accorderait une réduction de 100.000 dinars (685 dollars) sur le coût du pèlerinage. En clair, l’Etat, à travers son budget, octroiera une subvention de 100.000 dinars à chaque pèlerin.

Pour la Tunisie, le tarif du Hajj a été fixé à 16.400 dinars (5.417 dollars). Ce tarif se répartit comme suit: le coût de l’hébergement et les services de pèlerinage qui sont estimés à 13.300 dinars et le transport aller-retour fixé à 3.100 dinars. Par rapport à 2019, la hausse est de 23,30%.

En Mauritanie, le coût du Hajj est passé de 149.200 ouguiyas en 2019 à 223.250 ouguiyas (6.148 dollars), soit une hausse de 49,63%. Enfin, pour la Libye aussi, les frais du pèlerinage ont augmenté pour atteindre 6.500 dollars.

Quotas et coûts du Hajj au niveau des pays du Maghreb

Pays Quotas de pèlerins Tarifs en 2022 Tarifs en 2019 Var 2021/2019 Tarifs en dollars
Maroc 15 392 63 800 dirhams 49 906 dirhams 27,85% 6 489 dollars
Algérie 18 692 856 100 dinars 565 000 dinars 51,52% 5 900 dollars
Tunisie 4972 16 400 dinars 13 300 dinars 23,30% 5 418 dollars
Libye  3531 6500 dollars ND ND 6 500 dollars
Mauritanie  1585 223 250 ouguiyas 149 200 ouguiyas 49,63% 6 148 dollars

Une multitude de facteurs Qu’est-ce qui justifie ces fortes hausses des tarifs du Hajj? Il faut comprendre que les coûts sont en très grande partie déterminés par les autorités saoudiennes. C’est uniquement le reliquat qui l’est par les autorités des différents pays. En effet, le tarif du Hajj comprend le billet aller-retour, l’hébergement, le transport terrestre des pèlerins, les frais d’assurance maladie, la vaccination contre les méningites et la grippe, les frais de visa, le transport des bagages, les frais de repas et exécution des rituels, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), etc.

De ces frais, seul ceux du transport par la compagnie aérienne du pays et de la vaccination contre les méningites et la grippe sont fixés dans le pays du pèlerin. Toutes les autres charges sont fixées par les autorités saoudiennes.

Ce faisant, la hausse du coût du Hajj de cette année s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, le tarif du billet d’avion aller-retour a connu une forte hausse depuis la réouverture des frontières et la flambée du prix du kérosène dans le sillage de la forte hausse du cours du pétrole. Ensuite, il y a l’impact de l'augmentation des frais de nombreuses prestations en Arabie saoudite: transports terrestres, hébergement dans les hôtels à la Mecque et à Médine, etc. En outre, les tarifs des services Moassassa (visa, Macha'Ir et assurances) ont connu une forte hausse de 300% sur décision des autorités saoudiennes. De même, la TVA, qui est passée de 5% à 15%, alourdit encore un peu plus la charge supportée par les pèlerins.

Enfin, il y a l’impact de l’appréciation du dollar vis-à-vis des monnaies des pays de la région. Ainsi, entre le 9 juin 2021 et le 8 juin 2022, le dollar s'est apprécié de 11,85% par rapport au dirham marocain et de 9,65% par rapport au dinar algérien. Et le rial saoudien, qui est resté quasiment stable vis-à-vis du dollar, s'est apprécié sur la période allant du 7 juin 2021 au 7 juin 2022 de 12% par rapport au dirham marocain, de 11% par rapport au dinar tunisien, de 9,28% par rapport au dinar algérien, de 8,50% par rapport au dinar libyen, et de 1,67% par rapport à l’ouguiya mauritanienne.

20% du PIB hors hydrocarbures de l'Arabie saoudite

Il faut souligner que le Hajj est aujourd’hui une source de revenus en devises importante pour l’Arabie saoudite, qui est engagée dans un processus de diversification de son économie. Le pays engrange annuellement, en temps normal, quelque 12 milliards de dollars par an grâce aux deux pèlerinages: Hajj et Omra. Ce montant représente 20% du PIB du pays hors hydrocarbures.

Reste que pour les fidèles chanceux tirés au sort pour effectuer le pèlerinage, le Hajj n’a pas de prix, sachant que religieusement parlant, ce pilier de l’islam n’est recommandé qu’à ceux qui ont les moyens financiers de l’accomplir sans difficultés.

Rappelons, par ailleurs, que les candidats au pèlerinage de cette année doivent être âgés au maximum de 65 ans, disposer d’un schéma vaccinal précis et complet et être munis d’un test négatif délivré 72 heures avant le départ de leur pays.

Par Moussa Diop
Le 08/06/2022 à 11h30, mis à jour le 08/06/2022 à 11h56