Sommet UA-UE: Mohammed VI enterre définitivement l'UMA

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Le 30/11/2017 à 14h37, mis à jour le 30/11/2017 à 15h25

Dans un message adressé au sommet Union africaine-Union européenne, Mohammed VI fait montre de son habituelle franchise, en constatant l'inexistence de l’Union du Maghreb arabe (UMA).

Abidjan, 29 novembre 2017, "ci-gît l'UMA qui ne fut rien, pas même l'ombre d'une organisation régionale"! C'est ainsi que l'on peut commenter les propos francs et directs du roi Mohammed VI concernant l'inutilité, l'inefficacité et l'arrêt cardiaque de l'UMA. 

En soupirant au milieu de son discours "Hélas, l’UMA n’existe pas!", Mohammed VI met fin à la grosse farce et décrète la mort de l'organisation régionale maghrébine. Le roi du Maroc en est arrivé à cette conclusion après une analyse détaillée de la situation qui prévaut en Libye et à laquelle, pas une seule fois, l'UMA n'a apporté une réponse. 

Cette communauté économique régionale (CER) était censée réunir les cinq pays du Maghreb dans un ensemble fort, agissant et servant les intérêts des 100 millions d’habitants qui la constituent. Dommage, cela n’a jamais été le cas, à cause surtout d’un manque de volonté d’une Algérie qui y occupe une place centrale, ne serait-ce que sur le plan géographique. L’Algérie est l’unique pays ayant des frontières terrestres avec tous les quatre autres pays de l’UMA. Mais, il suffit qu’un mal atteigne l’un de ses voisins pour qu’elle se recroqueville sur elle-même, si elle n'intervient pas en solo.

C'est ce qui explique que quand il s’agit de répondre aux grands rendez-vous de l’histoire, l’UMA brille par son absence. Or, selon le souverain marocain, la question libyenne était une belle occasion pour que l’organisation régionale nord-africaine s’illustre en apportant une solution pertinente qui aurait évité au continent tout entier le drame sous-jacent révélé récemment par les médias. "Nos groupements régionaux auraient pu être plus efficaces face à cette situation. Et l’on peut à juste titre penser que, si l’UMA avait réellement existé, nous serions plus forts face à ce défi", a-t-il regretté, à juste titre.

Sur cette question libyenne par exemple, l’Algérie n’a jamais vu d'un bon œil que la solution soutenue par l’ONU de mettre en place un gouvernement d’union nationale (GNA) se soit décidée au Maroc. Elle n’a jamais voulu s’y associer, préférant faire cavalier seul et voulant défaire ce que la communauté internationale a mis de très longs mois à bâtir. Alors, qu’une attitude positive aurait été de s’associer au processus de Skhirat, en activant éventuellement les leviers de l’UMA. Cela aurait donné tellement de sens à l’organisation régionale. Mais, l'Algérie ratera le coche, ce qui fait que c'est la France qui a finalement réussi à réunir Fayez Al-Serraj, le chef du GNA et son frère ennemi, le maréchal Khalifa Haftar à Paris. L'Union africaine également, constatant l'échec d'Alger et l'inanité de l'UMA, a redoublé d'effort pour que se retrouvent à Brazzaville les principaux protagonistes de la crise libyenne. 

Ce n'est pas la première fois que le roi Mohammed VI établit le constat d'échec de l'UMA. Il avait déjà tiré la sonnette d’alarme le 30 janvier 2017, à Addis Abeba, lors du retour du Maroc dans l’organisation continentale. Il avait remarqué en effet que "la flamme de l’UMA s’est éteinte, parce que la foi dans un intérêt commun a disparu". Sinon comment expliquer que les échanges entre les pays du Maghreb stagnent à 3% de l’ensemble de leur commerce extérieur, alors que partout ailleurs sur le continent on dépasse les 10%. Au niveau de la South african development community (SADC), les échanges intra-membres dépassent même les 19%.

En termes d’action politique concertée, là où l’UMA n’agit jamais, un ensemble comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest montre un dynamisme sans égal. Par exemple, quand il s’est agi de résoudre la crise post-électorale en Gambie entre novembre 2016 et janvier 2017, la CEDEAO est intervenue pour que tout rentre dans l’ordre sans effusion de sang. Au Liberia et en Sierra Leone pour mettre fin aux guerres civiles meurtrières, la CEDEAO ne s'était pas fait l'économie d'une intervention militaire. C'est d'une UMA semblable que méritent les cinq pays qui la constituent. Malheureusement, cela n'a jamais été le cas. 

Début octobre dernier à Rabat, lors de la 32e session du comité intergouvernemental de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), les experts des Nations Unies prédisaient, eux-aussi, la mort prochaine de l’UMA. Avec cette nouvelle déclaration du roi du Maroc, on n'en est plus au stade des prédictions. Morte et définitivement enterrée, désormais c'est dans la rubrique nécrologique que cette organisation fantôme sera traitée. Que la terre d'Abidjan lui soit légère!

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 30/11/2017 à 14h37, mis à jour le 30/11/2017 à 15h25