"A cause de l’Etat d’urgence en Ethiopie, ils ont coupé les connexions, donc je ne peux pas me connecter régulièrement". Pour se connecter, il a fallu qu’il trouve "un bon VPN", ces logiciels qui permettent de contourner les filtres mis en place par le gouvernement pour limiter l’accès aux réseaux sociaux. Un sacrilège pour celui qui doit régulièrement mettre à jour sa page Facebook aux 3600 followers.
"Pour le moment, je suis dans un village au sud de l’Ethiopie", explique celui qui voyage à pieds et à vélo, mais qui, accessoirement, fait aussi de l'auto-stop. Ici, chez les Hamers, Othmane Zolati, est très loin de la modernité, mais il réussit à recharger tout son matériel électronique, notamment son portable et sa caméra, en faisant escale dans les rares villages qui ont accès à l’électricité. Comme d’habitude, il prévoit une escale de près d’une semaine avant de reprendre son chemin, vers le Kenya en transitant le Sud-Soudan. "Quand on voyage trop vite, on rate ce pourquoi on voyage", philosophe-t-il. Alors, pendant une semaine, il baigne totalement dans la culture Hamer. "Partout où je passe, j’essaie de m’imprégner du mode de vie locale et j’en profite pour apprendre quelques mots de la langue du coin", explique-t-il. Le pari n’est pas gagné d’avance, si l’on sait que dans certains pays, il existe des dizaines de langues vernaculaires, même s’il y a toujours une ou deux qui dominent, rappelle Zolati.
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"J'ai sentis que c'est un devoir pour moi d’entreprendre ce voyage, pour faire évoluer les mentalités sur mon continent", déclare-t-il. Selon lui, il est temps que le monde rompe avec les stéréotypes sur l’Afrique. Malheureusement, "beaucoup ne pensent qu’aux guerres, aux maladies, à la famine", regrette-t-il. Certains vont plus loin dans les clichés en parlant "de peuples qui vivent dans les arbres et de cannibalisme".
"Moi, je vis chaque jour une aventure totalement différente en fréquentant les peuples les plus hospitaliers de la Terre, qui ont la joie de vivre, mais également des cultures insolites". Pour lui, la palme de l’hospitalité revient aux deux extrémités du continent, dans le sens Est-Ouest: d’une part le Sénégal et d’autre part Djibouti. Les Djiboutiens étant imbattables par leur sens de l’accueil et leur promptitude à inviter un inconnu. Pour le moment, en tout cas, il affirme ne s'être trouvé que de rares fois dans des situations difficiles.
Il faut dire qu’après bientôt deux ans passés à voyager sur le continent, Othmane Zolati est devenu un expert des us et coutumes africaines. Koffi –nom que lui ont donné les Baoulés- sait par exemple que ses "frères" ivoiriens sont les rois de l’ambiance et de la bonne humeur. "Même durant les funérailles, ils dansent, j'ai trop kiffé ce pays", s’étonne-t-il. Les Maliens sont les champions du "thé", qu’ils aiment prendre dans des cercles d’amis appelés "Grins". Il a une anecdote pour chaque pays où il est passé.
Mais ce qui surprend le plus, c’est sa capacité d’adaptation. Il en faut beaucoup, en plus d’un grand sens des affaires quand on a démarré son voyage avec 800 dirhams seulement. Alors, il est le roi de la débrouille et le prince du petit boulot. A Dakar, il s’est improvisé guide touristique, alors qu’il était lui-même touriste, vers Ziguinchor dans la Casamance sénégalaise, il s’engage dans la pêche. Puis, aide-chauffeur de camion au Mali, il descend en Côte d’Ivoire où il devient contrôleur qualité dans une biscuiterie à Abidjan, plus précisément Unifood. "C’est surtout ce dernier job qui m’a permis d’acheter un vélo et une caméra et de faire des économies pour le reste du voyage, notamment pour les visas à venir", explique Othmane Zolati.
Certes, Othmane aime l’aventure, mais il sait se montrer prudent quand cela s’impose. Après avoir fait la Côte d’Ivoire, puis traversé le Ghana, le Togo et le Bénin, il a préféré sauter l’étape nigériane. "Les difficultés à obtenir le visa pour le Nigeria et le Tchad m’ont laissé penser que ce n’était peut-être pas une bonne idée de trop insister. Du coup, j’y ai vu un signe et j’ai suivi mon sixième sens". Alors, ce sera le vol direct vers l’Ethiopie à partir du Bénin, en sautant également l’étape soudanaise. Il faut dire que le billet d’avion était trop cher entre Cotonou et Khartoum.
Puis, vient le moment de retrouver sa bienaimée qui est venue du Maroc faire une partie du voyage avec lui. Ainsi, ils ont fait à pied et en auto-stop, le périple Ethiopie-Djibouti et le Somaliland, cette région qui a proclamé son autonomie, mais qui fait partie de la Somalie. "Nous sommes ensuite revenus à pied en Ethiopie, avant que je ne reprenne mon vélo, pour continuer seul jusqu’au Sud du pays où je suis actuellement", précise-t-il.