Saham Finance-Sunu: Pathé Dione bloque Moulay Hafid Elalamy et exprime son mécontentement

Moulay Hafid Elalamy, Président et fondateur du groupe Saham, et Pathé Dione, président et fondateur du groupe Sunu.

Moulay Hafid Elalamy, Président et fondateur du groupe Saham, et Pathé Dione, président et fondateur du groupe Sunu. . DR

Le 05/09/2017 à 15h58, mis à jour le 05/09/2017 à 15h59

Suite à l’entrée de Saham Finances dans le tour de table de la compagnie d'assurance Sunu, son patron et fondateur, Pathé Dione, avait dénoncé une intrusion par «effraction». Il vient de modifier les règles d'admission au Conseil d'administration, en vue de bloquer les ambitions de Saham Finances.

Après avoir réussi à acquérir tout récemment jusqu'à 21% du capital de l'assureur panafricain Sunu, basé à Dakar, le groupe Saham Finances est sur le point d'entrer en conflit ouvert avec les actionnaires de cette compagnie présente dans toute l'Afrique de l'Ouest. 

En effet, le groupe de Moulay Hafid Elalamy est loin d'être le bienvenu, après s'être ouvert les portes de cette société par "effraction", selon le qualificatif utilisé par Pathé Dione, franco-sénégalais, PDG et fondateur de la compagnie d’assurance Sunu.

Il faut dire que Saham a usé de méthodes inamicales pour s'adjuger plus du cinquième du capital de cette compagnie en pleine croissance et qui attire les convoitises de beaucoup de grands groupes internationaux. 

Saham Finances, véhicule d'investissement de Moulay Hafid Elalamy, avait contourné les actionnaires majoritaires de référence de Sunu pour s'introduire dans le tour de table. Pathé Dione n'a rien vu venir, puisque ses co-actionnnaires, qu'il refuse de qualifier de traitres, lui ont littéralement fait un enfant dans le dos. 

Dans un premier temps, Mamadou Talata Doula, un ancien de Sunu à la retraite, recruté par Saham, cède 4,3% à ce dernier. Le fait est qu'il s'apprêtait à les vendre en interne. Cependant, à la dernière minute, coup de théâtre: c'est Saham Finances qui en devient l'acquéreur, créant la frustration des autres actionnaires dont le fondateur du groupe, Pathé Dione. Après cela, les choses vont s'enchaîner. 

Dans un deuxième temps, des portions plus grandes du capital seront vendues de manière identique par d'autres actionnaires de Sunu au groupe marocain. 

Le procédé est certes légal, mais en n'ayant pas obtenu l'aval des actionnaires majoritaires de l'assureur panafricain au préalable, Saham Finances avait enfreint une règle que les capitaines des grands groupes marocains se sont toujours refusé à utiliser dans le cadre de leur processus de développement en Afrique. D'ailleurs, le groupe Sunu avait refusé des offres des groupes SNI et BMCE Bank of Africa. 

Face à cette situation, la guerre entre les deux groupes est désormais déclarée. Dans un entretien accordé au mensuel financier africain Financial Afrik. l’homme, qui avait clairement annoncé que le groupe Saham Finances de Moulay Hafid Elalamy n’était pas le bienvenu dans le tour de table de la compagnie Sunu, n’a pas changé de position.

Encore très amer et remonté contre le groupe marocain, il a également tenu à organiser la défense de sa citadelle. A cet effet, il a réuni tous les détenteurs de parts dans Sunu Finances holding afin de changer les règles du jeu dans le but de bloquer le groupe Saham Finances dans sa tentative de prendre le contrôle de la compagnie panafricaine.

Ainsi, lors d’une Assemblée générale extraordinaire (AGE) tenue le 21 août dernier, les actionnaires de Sunu ont-ils fait sauter «le dispositif qui permettait à tout actionnaire disposant de plus de 20% du capital de disposer d’un siège au Conseil d’administration». En clair, malgré ses 21%, le groupe Saham Finances ne pourra pas siéger au sein du Conseil d’administration de Sunu. Il ne pourra pas non plus prendre part aux décisions concernant l’assureur panafricain dont il est devenu pourtant un des actionnaires de référence.

Par ailleurs, et c’était l’objectif fondamental de l’AGE, les actionnaires de Sunu qui détiennent 79% des parts du capital de la compagnie d’assurance ont signé un pacte qui interdit désormais toute cession de parts du capital à un tiers sans l’accord préalable du Conseil d’administration. Désormais, les cessions de parts se feront au sein de ce bloc selon des règles définies à l’avance et sans aucune spéculation. En clair, avec cette décision, ils freinent toute montée du groupe de Moulay Hafid Elalamy dans le capital de Sunu.

Ces changements ont été possibles parce que Sunu Finances Holding est une société à actions simplifiées (SAS), et non une société anonyme. En conséquence, les décisions sont prises à la majorité simple. Une majorité que détiennent son fondateur et ses fidèles compagnons.

Au-delà de ces décisions qui rendent désormais impossible la prise de contrôle de Sunu Finances Holding, Pathé Dione, fondateur du groupe, espère pousser Saham Finances hors du tour de table de Sunu.

Il faut souligner que les groupes Sunu et Saham Finances sont concurrents dans 14 pays. Pour Pathé Dione, Saham Finances et le Sud-Africain Sanlam, actionnaire à hauteur de 47% du groupe marocain, souhaitent la disparition pure et simple de Sunu.

Ainsi, «je ne vois pas ce qu’ils pourraient nous apporter, à part la volonté de coloniser et de se débarrasser d’un concurrent de la manière la plus inélégante qui soit. Nous ne pouvons pas accepter cela». Il cite la réunion tenue par les actionnaires de Saham Finances, Saham Group et le Sud-Africain Sanlam tout dernièrement à Casablanca, et qui aurait porté sur la stratégie de démembrer le groupe Sunu en s’attaquant à ses filiales africaines via le rachat des parts des minoritaires.

Partant, souligne Dione, «Saham ne nous respecte pas et n’a rien à faire dans notre tour de table», ajoutant qu’«il y a des groupes marocains beaucoup plus respectables qui nous ont approchés en bonne intelligence». Il parle notamment de la holding SNI et de BMCE Bank of Africa qui avaient proposé des participations capitalistiques dans Sunu qu’il avait déclinées. «Ils ont respecté notre décision et travaillent avec nous sur certains dossiers», dit-il, ajoutant que «c’est pendant ce temps, que Saham a construit sa stratégie de contournement pour entrer chez nous sans notre consentement. Ils ne sont pas les bienvenus et ils ne le seront jamais».

Et pour marquer un peu plus son mécontentement, il souligne: «J’ai déjà écrit et déclaré que j’adhérais à la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc qui consiste à nouer des relations avec l’Afrique au sud du Sahara. Mais une fois cela dit, cela ne signifie pas que les acteurs marocains doivent venir faire ce qu’ils veulent. Il paraît que Moulay Hafid Elalmy est puissant dans son pays. Il s’autorise tout. Moi, je ne peux pas accepter son arrogance (...)».

En clair, il souhaite que Saham Finances se retire du tour de table de Sunu. Ce qui est très peu probable sachant que pour acquérir les 21% de Sunu, Moulay Hafid Elalamy a certainement beaucoup investi. 

Ainsi, devant l'impossibilité d'arrondir les angles entre les deux parties, trois options se présentent. Saham Finances et Sanlam peuvent laisser leur participation en l’état et bénéficier des dividendes. Ils peuvent aussi céder celle-ci aux actionnaires de Sunu Finances holding ou à d’autres qui ont la bénédiction de Pathé Dione, à un prix élevé et espérer tirer quelques plus-values. Enfin, certains pensent que l’affaire pourrait aussi se régler par d’autres canaux… Politiques notamment, avec une sortie de Saham Finances. Seulement, avec 47% du groupe, le Sud-Africain Sanlam a lui aussi son mot à dire sur toute décision concernant cette participation, lui qui cherche par tous les moyens à s'incruster dans les pays d'Afrique de l’Ouest.

Par Moussa Diop
Le 05/09/2017 à 15h58, mis à jour le 05/09/2017 à 15h59