Pour le journaliste Adama Wade, directeur de publication du magazine Financial Afrik, cette visite du roi Mohammed VI à Dakar –la neuvième depuis son accession au trône–s’inscrit dans une vieille tradition, notamment celle du Maroc des années 1950, avec le fondateur de l’Istiqlal qui situait les frontières du royaume jusqu’aux rives du fleuve Sénégal. «C’est une relation permanente et intemporelle, qui a survécu à trois à trois règnes (celux de Mohamed V, Hassan II et Mohamed VI aujourd’hui). Dès lors, rien de surprenant à ce que le souverain chérifien choisisse de prononcer ce discours historique, célébrant le 41e anniversaire de la Marche Verte et la réunification du Maroc avec son Sahara à partir de la capitale sénégalaise», nous dit Wade.
En plus du renforcement de l’axe Dakar-Rabat, cette visite symbolise aussi le retour du Maroc dans l’Union africaine (UA). «C’est probablement à Dakar que va se jouer le second acte, après celui de Kigali, pour le retour programmé du royaume dans la communauté africaine», explique Adama Wade. Selon ce fin connaisseur des relations sénégalo-marocaines, il s’agira de faire «l’état des lieux» de la demande de réintégration du Maroc au sein de l’UA, mais aussi d’engranger «plus de soutiens diplomatiques» pour la résolution de la question du Sahara, l’un des derniers conflits issus de la guerre froide.
Pour ce qui est de la réintégration au sein de l’UA, elle est «acquise», à son avis, «même s’il y a une procédure», l’enjeu étant d’obtenir l’exclusion de la RASD. «Donc, Dakar et Rabat essaient de travailler ensemble en vue du Sommet de l’UA en janvier qui sera crucial», dit-il, soulignant que la réintégration du Maroc et la candidature du Sénégal au poste de la présidence de la Commission de l’UA (en la personne du Pr Abdoulaye Bathily) sont deux dossiers «très liés». En effet, hormis le Nigeria, la CEDEAO est l’alliée du Maroc, alors que les pays de la COMESA sont, eux, plus «réceptifs aux thèses d’Alger», poursuit Adama Wade. Il souligne que la récente visite de sa Majesté en Afrique de l’Est a permis d’obtenir une percée pour briser ce bloc, notamment grâce à la nouvelle alliance entre Rabat, Kigali (Rwanda) et Dar Es Salam (Tanzanie).
Et notre interlocuteur d’ajouter que le Sénégal, comme le Maroc, joue «une position pragmatique sur l’économie et la coopération Sud-Sud» à travers une perspective historique c’est-à-dire le soufisme et l’islam des lumières que partagent les deux pays. Sur le plan stratégique, l’enjeu c’est de «voir comment consolider les rapports économiques –qui étaient le point faible dans cette relation spéciale, même si ce gap a été comblé, en partie, grâce aux importants investissements marocains ces dix dernières années– et d’œuvrer ensemble pour qu’il y ait une sorte de libre-échange entre le Maroc et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)», conclut Adama Wade.