Mauritanie: le changement du 03 août 2005 dévoyé, selon l'ancien président Ould Vall

Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement marocain, reçu par le président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz.

Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement marocain, reçu par le président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz. . DR

Le 12/08/2016 à 15h36, mis à jour le 12/08/2016 à 15h57

Le changement du 3 août 2005 en Mauritanie (date du renversement du président Ould Taya) a été dévoyé par rapport à ses objectifs fondamentaux, selon Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l’Etat (2005/2007). Il explique les dérives du régime actuel de Mohamed ould Abdelaziz depuis le putch de 2008.

L’ex-président du Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) du 03 août 2005 au 19 avril 2007, Ely ould Mohamed Vall multiplie les sorties médiatiques. Et dans la dernière accordée au site «Al Akhbar», abondamment reprise et commentée dans les colonnes de la presse mauritanienne de ce vendredi, il revient sur le coup d’état qui a renversé l’ex-président Maaouiaya ould Sid’Ahmed ould Taya, le 03 août 2005, après presque 22 ans au pouvoir.

Ely Ould Mohamed Vall, proche cousin de l’actuel président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, mais aussi opposant, rappelle que «le changement du 03 août 2005 était un projet complet. Il avait pour but d’édifier un Etat de droit, nanti d’institutions solides, fondé sur un système démocratique fort, capable de s’auto-défendre».

A travers l’exercice du pouvoir, l’ancien chef de la transition en Mauritanie décrit aujourd’hui une réalité aux antipodes de l’objectif initialement défini.

Il évoque à titre d’illustration «des arrestations et des condamnations extrêmement sévères de jeunes suite à des manifestations pacifiques. Ce qui constitue une remise en cause des acquis démocratiques».

Plusieurs membres du mouvement contestataire du 25 février 2011 (M25) ont été récemment condamnés à des peines de prison ferme allant de 3 à 5 ans.

Par ailleurs, des militants antiesclavagistes en détention, comparaissent actuellement devant un tribunal des flagrants délits.

Au rang des mauvais signaux traduisant le recul démocratique, Ely Ould Mohamed Vall cite aussi l’étouffement de l’institution de l’opposition, le contrôle des médias de service public, transformés en instruments de propagande au profit du pouvoir, l’attribution des fréquences télé aux seuls proches du régime en place, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques, l’attribution nébuleuse des marchés publics à des proches du président,….

Ce nouveau départ vers un passé caractérisé par un régime de dictature militaire est imputable «à la rébellion du 06 août 2008», selon Ould Mohamed Vall.

Cette date, rappelle-t-on, marque la prise du pouvoir par le général Mohamed Ould Abdelaziz, alors chef d’état-major particulier du président de la République, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qu’il a renverser en réaction à l’annonce de son limogeage en même temps que deux autres hauts gradés de l'armée.

Après les errements anti démocratiques, l’étouffement des libertés et la violation des principes de bonne gouvernance, l’ancien chef de l’Etat trace une ligne rouge au-delà de laquelle «le peuple mauritanien ne va pas transiger: le respect de la limitation constitutionnelle du mandat présidentiel».

En Mauritanie le nombre de mandats du président de la République est verrouillé à 2 fois 5 ans par la constitution de juillet 1991, modifié par voie référendaire le 19 juin 2006.

Enfin, il faut rappeler que la Mauritanie est gouvernée depuis le 10 juillet 1978 par des militaires «recyclés» dans la politique, à l’exception des 15 mois de pseudo-présidence de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (avril 2007/août 2008).

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 12/08/2016 à 15h36, mis à jour le 12/08/2016 à 15h57