«Le dialogue chez le président de la République relève d’une option stratégique qui découle de la profonde conviction que c’est là la seule voie pour régler les problèmes», dixit Moulaye ould Mohamed Laghdaf, Secrétaire général de la présidence de la République, qui fût Premier ministre d’août 2008 à août 2014 et qui est considéré comme le véritable «Mr Dialogue» du pouvoir.
Dans sa sortie du mardi dernier, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf a rappelé toutes les concertations politiques organisées en Mauritanie après le putsch du 06 août 2008, qui marque l’arrivée aux commandes de l’actuel chef de l’Etat, notamment «en 2009 et 2011, avec des résultats palpables et les nouvelles tentatives de 2013 et 2014».
Le dialogue de 2009 a débouché sur l’accord de Dakar en date du 04 juin et l’organisation d’une élection présidentielle le 18 juillet, couronnée par la victoire au premier tour du candidat Mohamed Ould Abdel et synonyme de retour à l’ordre constitutionnel.
Un scrutin dont les résultats ont été rejetés par les principaux candidats de l’opposition, à l’image d’Ahmed Ould Daddah (RFD), Ely Ould Mohamed Vall, Messaoud Ould Boulkheir,…. pour «fraude massive».
Par ailleurs, le même accord conclu dans la capitale sénégalaise sous l’égide du président Abdoulaye Wade, et paraphée à Nouakchott 48 heures plus tard, comportait plusieurs autres clauses visant l’approfondissement de la démocratie, la promotion de l’Etat de droit, la réforme des forces armées et de sécurité. L’opposition reproche au président Mohamed Ould Abdel Aziz d’avoir «enterré» toutes les autres dispositions après son élection contestée.
Le deuxième épisode du feuilleton de la concertation en Mauritanie est offert par le dialogue de septembre-octobre 2011. Celui-ci a enregistré la participation de la Coalition unie pour une alternance pacifique et démocratique (CUPAD), constituées par 3 partis de l’opposition dite modérée (Alliance populaire progressiste, El Wiam et Sawab).
Chaise vide pour les autres
Boycottée par l’essentiel de l’opposition, cette concertation a débouché sur plusieurs résolutions restées encore dans les tiroirs, selon quelques responsables de la mouvance CUPAD.
C’est dans ce contexte que le gouvernement essaye un nouveau round de dialogue avec l’opposition. Toutefois, l’opposition mauritanienne ne compte pas se faire rouler une fois de plus dans la farine après les deux expériences de dialogue.
Ainsi, sous sa forme annoncée mardi, le nouveau dialogue proposé par le pouvoir de Nouakchott devrait être un parfait clone des assises de 2011, avec la participation des partis de la majorité et de l’opposition dite modérée, selon l’avis de nombreux observateurs.
En effet, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), collectif regroupant 10 partis politiques, des organisations de la société civile, des centrales syndicales et plusieurs dizaines de personnalités indépendantes, qui venait juste de reprendre les contacts informels avec la présidence, ne devrait pas apprécier la démarche suivant laquelle la tenue de la prochaine concertation politique a été annoncée. En conséquence, sa participation à cette rencontre est hypothétique.
Quant aux chances de participation du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) d’Ahmed Ould Daddah, le principal parti d’opposition, et d’Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l’Etat sous la transition (2005/2007) sont quasiment nulles.
Cela, pour une raison basique liée à la nature d’un pouvoir dont «le parcours antidémocratique et même tortueux, ne nous inspire pas confiance», souffle un cadre proche de l’ancien chef de la transition.
Interrogations autour des motivations du pouvoir
Dans l’annonce du mardi, le ministre, Secrétaire général de la présidence de la République a expliqué que tous les sujets liés à la vie politique, économique et sociale du pays peuvent être abordés «y compris la question d’éventuelles élections anticipées» sans en préciser toutefois la nature: présidentielle, législatives ou municipales ? Mais il a exclu toute idée de formation d’un «gouvernement consensuel ou de technocrates».
Pourquoi Mohamed Ould Abdel Aziz s’accroche tant au dialogue alors qu’il entame la dernière phase de son ultime mandat constitutionnel, qui expire en 2019?
Ceux qui pensent positivement perçoivent à travers la démarche, une volonté de laisser en héritage une situation politique normalisée : «c’est le meilleur acte dont puisse se prévaloir l’actuel président de la République. Partir après 2 coups d’Etat et laisser le pays dans une crise institutionnelle, aggravera dangereusement son passif et l’image que l’histoire retiendra de lui», analyse Moussa Fall, président du Mouvement pour un changement démocratique (MCD), dans l’hebdomadaire «Le Calame».
Même en écartant l’idée d’une impossible réforme constitutionnelle, Fall craint cependant à travers le dialogue proposé par le pouvoir «une volonté de faire avaliser à l’opposition un plan pernicieux de reconduction du système autocratique en place»,avec le général du 06 août 2009 dans les coulisses, tirant les marrons du feu.
Enfin, il faut souligner que la Mauritanie est dirigée ,depuis le coup d’tat d’état du 10 juillet 1978, à l’exception des 15 mois de règne du président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi (avril 2007/août 2008), par des militaires dont certains ont fini par troquer le treillis contre le boubou, se donnant ainsi une espèce de dirigeants civils et démocrates.