«Excusez-moi Mr le président. Je vais abuser de votre patience, car je serais très long pour parler d’une situation désastreuse», dixit Bâ Alassane Hamady Soma (alias Balas), président du Parti mauritanien du concret/Arc-en-Ciel, lors de ce qui fut l’un des moments forts de la séance d’ouverture, hier jeudi, du «Dialogue politique national inclusif» en Mauritanie.
Sans langue de bois et sans prendre de gants, Balas a martelé et dénoncé «une marginalisation totale» de la communauté négro-africaine, vocable désignant les Mauritaniens non-arabes (peulhs, soninkés, wolofs et bambaras) et leur exclusion de tous les secteurs de la vie économique nationale. Une allocution diversement appréciée, bien évidemment, mais qui tranche avec les discours de circonstance.
S’exprimant devant le président, les membres du gouvernement, les leaders de partis politiques et une assistance nombreuse, le président du PMC/Arc en Ciel s’est adressé directement au premier magistrat du pays, Mohamed Ould Abdel Aziz, dans une allocution retransmise en direct à la télévision d’Etat.
«Les acteurs de la communauté négro-africaine sont exclus des milieux d’affaires (banques, assurances et entreprises de grande importance) en dépit d’une expertise incontestable. Ils sont oubliés dans l’attribution des agréments pour la création d’organes de presse, l’audiovisuel, etc.».
Le leader du PMC/Arc en ciel s’est également insurgé contre «la non admission des enfants noirs au sein de l’école d’excellence», comme l’atteste la composition unicolore des enfants admis au sein de cette institution qui fonctionne comme une académie militaire accueillant des jeunes destinés à la carrière militaire. Une manière d’exclure cette frange de la communauté mauritanienne des rôles futurs de dirigeants de l’armée mauritanienne.
Par ailleurs, Balas a posé le problème «des rapatriés mauritaniens du Sénégal, devenus des réfugiés dans leur propre pays devant l’impossibilité de recouvrer leurs biens confisqués au moment de leur déportation lors des évènements douloureux de 1989, notamment leurs lieux d’habitation et leurs terres de culture, privés de papiers d’état civil à cause du comportement de l’Agence national du registre des populations et des titres sécurisés (ANRPTS)».
Ces Mauritaniens, qui ont été déportés vers le Sénégal en 1989 et dont certains, au nombre de 24.000 individus, ont été rapatriés grâce à un accord tripartite entre les gouvernements de Mauritanie, du Sénégal et le HCR. Ils vivent dans des conditions encore déplorables loin de leur lieu d’habitation d’avant leur déportation vers le Sénégal.
Dans sa longue allocution, le leader du PMC/Arc en ciel «qui attendait une telle occasion depuis 56 ans» a également posé le problème «de l’accaparement des terres des populations de la Vallée du fleuve Sénégal» par des hommes d’affaires et des lobbies proches du pouvoir qui n’ont aucun lien avec ces terres et qu'ils ont bradées au profit des investisseurs venant des pays du Golfe. Ila signalé au passage que cette pratique «est désormais considérée comme un crime contre l’humanité» du point de vue de la législation pénale internationale et plaidé en faveur de la fin d’un tel comportement.
Enfin, il faut souligner que ce Dialogue politique national inclusif, boycotté par les plus importantes franges de l’opposition, a pour objectif de débattre de tous les problèmes institutionnels, politiques, économiques et sociaux de la Mauritanie. Toutefois, pour certains, les principaux maux de la Mauritanie, comme la difficile cohabitation entre les communautés arabes et négro-africaines, ainsi que l’esclavage, problèmes qui risquent d’être occultés par des problèmes mineurs : suppression du Sénat, révision du Code électoral, réforme de la loi sur les partis, etc.
En attendant, la majeur partie des Mauritaniens continuent à vivoter et n’accordent presque aucune importance à ce dialogue sans vrais lendemain,…