Mauritanie: Ould Abdelaziz mis à mal par les chancelleries occidentales

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Le 07/11/2016 à 08h52, mis à jour le 07/11/2016 à 21h53

Deux ambassades occidentales accréditées à Nouakchott viennent de sortir, en moins de 24 heures d’écart, des communiqués mettant en garde leurs ressortissants en Mauritanie, ou voulant s’y rendre, contre d’éventuelles agressions terroristes ou autres. De quoi s’agit-il au juste ? Décryptage.

Le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, dont la légitimité sur le plan interne a toujours été contestée, est en train de perdre la seule qui vaille pour lui, à savoir la légitimité extérieure que lui procurait son semblant d’alliance avec les occidentaux en matière de lutte antiterroriste dans la sous-région sahélo-saharienne.

A l’issue du dernier Conseil des ministres qui se tient chaque jeudi, et qui est toujours présidé par Mohamed Ould Abdelaziz, deux communiqués émanant des ambassades américaine et française à Nouakchott ont été placés en bonne place sur le menu à l’ordre du jour.

C’est que six jours auparavant, soit le vendredi 28 octobre, l’ambassade américaine à Nouakchott a mis en garde ses compatriotes, qu’ils soient sur place ou non, de s’armer de prudence et de ne pas se rendre dans certains lieux précis en Mauritanie, car elle dit flairer un danger terroriste imminent.

Le samedi 29 octobre, l’ambassade française sur place emboite le pas aux Américains à travers un autre communiqué, mais cette fois-ci sur la base d’un fait concret. Il s’agit de l’agression contre une ressortissante française (victime d’un tentative collective de viol?) dans un quartier résidentiel de la capitale mauritanienne. 

Ni le ministère des Affaires étrangères qui est par excellence l’interlocuteur des représentations diplomatiques accréditées à Nouakchott, ni le ministère de l’intérieur concerné au premier chef par les affaires de sécurité, objet des communiqués des deux ambassades, n’ont réagi à cette affaire à travers les canaux et les canons ad hoc.

C’est le président Ould Abdelaziz en personne qui a donné l’ordre au ministre de la Culture, de l’artisanat et porte-parole du gouvernement, Mohamed Lemine Ould Cheïkh, de répondre à l’ambassade de France, en lui signifiant que son communiqué n’est «ni amical, ni objectif». Il annoncera aussi devant les journalistes que les autorités sécuritaires du pays répondront dans un autre point de presse aux communiqués américain et français.

Le soir même du jeudi 3 novembre, sur le plateau de la télévision publique nationale, «El Mouritania 1 et 2», c’est le commissaire de police Sidi Ould Baba El Hacen, patron de la Direction centrale de la sûreté de l'Etat, qui viendra répondre à des questions qu’il avait auparavant livrées au journaliste présentateur du JT en arabe.

Le haut dignitare sécuritaire affirme être venu pour rassurer les «citoyens mauritaniens sur la sécurité de leur pays» et les mettre en garde contre les «rumeurs». Pour l’affaire de l’enseignante française agressée, il s’évertuera à dédouaner la police mauritanienne qui n’a jamais été saisie de cette affaire. Il dira même émettre des «doutes» car, selon lui, la Française agressée a préféré, plutôt que de collaborer avec les enquêteurs, rentrer en France (sic !).

Quant aux menaces dont parle le communiqué américain, le commissaire divisionnaire -que la majorité des Mauritaniens a découvert ce soir pour la première fois, lui et son officine- a déclaré qu’effectivement un groupe de personnes a été arrêté récemment, mais qu’il s’agissait de menu fretin. Le chef de la bande, dira-t-il, est un «aliéné mental» alors que l’armement dont idisposait cette bande était «rudimentaire, artisanal» (resic !).

Mais au-delà de ces communiqués et des réactions qu’elles ont suscitées, c’est leur momentum qui interpelle. En effet, lors du récent «Dialogue national inclusif», Ould Abdelaziz a été contrarié, jusqu’au sein même de son propre camp, dans ses velléités de tripatouiller la constitution mauritanienne en vue de s’offrir une présidence ad vitam ad aeternam.

Entre les deux communiqués occidentaux, Nouakchott a été aussi le théâtre d’une manifestation monstre («historique» diront certains médias locaux) de l’opposition anti-Aziz, qui a justement exprimé son refus catégorique quant à toute modification de la constitution, du drapeau ou de l’hymne nationaux.

S’y ajoute le fait que la cellule africaine de l’Elysée a reçu il y a quelques jours, et en grande pompe, Biram Dah ould Abeid, militant antiesclavagiste et non moins opposant farouche à Ould Abdelaziz qui vient de le libérer de son énième emprisonnement.

Cerise sur le gâteau, ou réponse du berger à la bergère, l’ambassadeur américain à Nouakchott, en guise de réponse aux réactions des hommes de Ould Abdelaziz, est allé rendre visite, ce vendredi 5 novembre, à l’autre opposant de ould Abdelaziz, son cousin et ancien mentor, Ely Ould Mohamed Vall. Cette entrevue, au domicile de l’ancien chef d’Etat mauritanien, a duré plusieurs heures..

A Nouakchott, la question que tout le monde se pose est : que reste t-il de la légitimité extérieure que procurait au président Mohamed ould Abdelaziz son semblant d’alliance avec les occidentaux en matière de lutte antiterroriste dans la sous-région sahélo-saharienne? Le temps nous apportera la réponse.

Par Mohammed Ould Boah
Le 07/11/2016 à 08h52, mis à jour le 07/11/2016 à 21h53