Mauritanie: les partisans du président exhument le troisième mandat

Le 04/06/2017 à 15h21, mis à jour le 04/06/2017 à 17h10

Les partisans du président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, ont exhumé le discours sur le troisième au cours des derniers jours. Un épisode qui suscite le débat et une foule d'interrogations. Est-ce une volonté à s'accrocher au pouvoir ou s'agit-il d'une simple manoeuvre avant le référendum?

Limité à l’année 2019 par des dispositions constitutionnelles verrouillées -notamment les articles 28, 29 et 99 de la loi fondamentale du 20 juillet 1991 et ses textes modificatifs- le mandat du président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, ira-t-il au-delà de cette échéance ?

Cette question à laquelle de nombreux mauritaniens pensaient avoir trouvé une réponse définitive à l’occasion de la cérémonie de clôture du Dialogue National Inclusif (DNI-le dernier terme relève d’un véritable abus de langage compte du boycott de l’essentiel de l’opposition) organisé du 29 septembre au 20 octobre 2016.

Car le premier Magistrat en personne avait écarté l’idée « dans l’intérêt » du pays. En fait, pendant ces assises, le pouvoir avait échoué dans ses multiples manœuvres à vendre cette idée.

Mais, voilà quelques mois tard, les discours allusifs et même parfois tranchés sur la perspective d’une présidence sans limites refont surface à travers la bouche de quelques hauts responsables.

Un chef tout puissant qui défend une thèse, et pendant que ses ouilles soutiennent le contraire. Ce qui donne une « cacophonie » calculée et bien maîtrisée, suggère un analyste.

En tournée la semaine dernière, dans les populeuses régions du Hodh Occidental et Oriental, véritable réservoir électoral au pays du million de poètes, le premier Ministre Yahya Ould Hademine, a lancé les premières salves de la nouvelle offensive, tout en restant dans le clair/obscure.

Devant une foule de fidèles, le chef du gouvernement a laissé entendre que « le système » actuel va demeurer au-delà de l’échéance de 2019.

Reste à savoir si cette entité va conserver formellement le même chef ? Ou si celui-ci choisira un nouveau président de la République potiche, lui permettant de continuer à régenter le destin de la Mauritanie par procuration ? Là réside le gros mystère.

Dans un registre encore plus précis, le porte parole du gouvernement, Mohamed Lemine Ould Cheikh, est venu ajouter une nouvelle couche ce jeudi « la majorité des mauritaniens sont attachés au président de la République, qui a promis de donner une réponse définitive à la question du mandat en 2019 ».

En réaction à ces déclarations, Lô Gourmo Abdoul, vice président de l’Union des Forces de Progrès (UFP-opposition) et professeurs de droit en France, constate que « la crise de régime s’aggrave. Le sénat maintient sa position de ne pas reconnaître le énième putsch qui se prépare contre la constitution.

Le référendum qui se mijote est bien pire qu’anticonstitutionnel, il est inexistant en droit et ouvre la voie royale du troisième mandat ».

Cependant, connaissant bien la psychologie profonde des Mauritaniens, habitués à soutenir tous les pouvoirs et à voter en faveur de ceux qui tiennent les commandes de l’état, les partisans de Mohamed Ould Abdel n’auraient pas remis le troisième au goût du jour par simple stratégie, pour enrayer une inévitable démobilisation, synonyme de débande de troupes et bérézina électorale au référendum.

Cela, du fait les compatriotes auraient acquis la certitude que l’homme du 06 août 2008 n’est pas partant pour un nouveau mandat ?

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 04/06/2017 à 15h21, mis à jour le 04/06/2017 à 17h10