Mauritanie. Fête de l'Aid el-Fitr: interrogations autour d'un appel du président au renforcement de l'unité nationale

Le 26/06/2017 à 09h39, mis à jour le 26/06/2017 à 10h07

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz a saisi l'occasion de la célébration de la fête marquant la fin du jeûne du Ramadan pour lancer un appel au renforcement de l'unité nationale. Un message qui suscite de nombreuses interrogations.

La Mauritanie a célébré le dimanche, la fête de l’Aid el-Fitr Al Moubarak, marquant la fin du jeûne musulman du ramadan pour l’année 1438 de l’hégire.

Le président Mohamed Ould Abdel Aziz a saisi cette circonstance pour appeler «au renforcement de l’unité nationale» à travers un message aux citoyennes et citoyens de la République.

«Nous accueillons demain la fête de l’Aid el-Fitr al Moubarak après qu’Allah nous ait permis le jeûne du mois béni du Ramadan, dans un climat caractérisé par la tolérance, la solidarité, l’esprit de fraternité et le rejet de la division, du fanatisme et de l’extrémisme.

Il nous incombe à tous d’appréhender de l’école du Ramadan l’intérêt et la nécessité du renforcement de notre unité nationale et de la consolidation des acquis importants réalisés durant les dernières années en matière de sécurité, de stabilité et de développement économique et social».

Le message à la nation en pareilles circonstances relève d’une tradition républicaine solidement établie.

Cependant, rapporté au contexte politique, celui de la fête de Ramadan 1438 de l’hégire suscite de nombreuses interrogations au sujet des destinataires et des objectifs.

En effet, la Mauritanie se dirige vers un référendum déchirant visant l’adoption d’une révision constitutionnelle prévue pour le 05 août prochain. Un projet fortement contesté par l’opposition qui a juré de le faire capoter par tous les moyens juridiques et populaires.

Ce message serait-il-un clin d’œil destiné à ceux qui disent non à la prochaine consultation populaire?

Ou bien, son contenu plutôt laconique fait-il-référence aux déchirures structurelles qui traversent la société mauritanienne? D'abord, il y a la question de l’esclavage. L'emprisonnement des militants anti-esclavagistes de l'IRA au cours de ces derniers mois a accentué le clivage entre certaines classes sociales. 

De même, la césure communautaire et les dénonciations récurrentes portant sur l’exclusion des populations non arabes de la vallée du fleuve Sénégal.

Interrogation pertinente surtout après les accusations très récentes portant sur des propos particularistes tenus par le Premier ministre, Yahya Ould Hademine. Des allégations d’une extrême gravité qui attendent encore un démenti officiel des services de la primature, du gouvernement ou directement de l’accusé.

Cet appel au renforcement de l’unité nationale pourrait également renvoyer à la nécessité de former un bloc pour faire face aux risques géopolitiques induits par le terrorisme islamiste en Mauritanie et dans le Sahel.

Enfin, cet appel tombe au moment où plusieurs hauts fonctionnaires des forces de sécurité mauritaniennes courent de gros risques de se trouver dans le viseur de la justice pénale internationale suite au dépôt par un groupe d’avocats d’une plainte pour «tortures et complicités de pratiques esclavagistes» devant le Tribunal de grande Instance (TGI) de Paris à l'encontre de nombreux sécuritaires mauritaniens.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 26/06/2017 à 09h39, mis à jour le 26/06/2017 à 10h07