Sahel: pourquoi l'attentat terroriste de Ouagadougou n'est pas revendiqué

Le 24/08/2017 à 06h32, mis à jour le 24/08/2017 à 14h22

Plus de 10 jours après les faits, l'attentat du café "Aziz Istanbul" de Ouagadougou n'a pas été revendiqué. Et si un dommage collatéral empêchait toute revendication par des jihadistes? Un mystère que tente percer le professeur Bakary Sambé, spécialiste des réseaux terroristes transnationaux.

Il y a plus de dix jours qu'il a été perpétré et l’attentat contre le café «Aziz Istanbul» de Ouagadougou n’a toujours pas été revendiqué. Voilà qui laisse apparaître une nette rupture avec les habitudes des groupuscules terroristes au Sahel, prompts à signaler leurs forfaits, souvent à travers des médias mauritaniens.

Bakary Sambé, directeur de «Timbuktu Intitue-African Center For Peace» de Dakar, livre une analyse singulière de cette situation pour le site d’informations en ligne «Dakaractu».

Ce spécialiste des réseaux transnationaux explique: «De plus en plus, on pourrait penser au fait que l’attentat ait touché des victimes qui comptent parmi les plus grands prédicateurs salafistes comme les 2 Koweïtiens, Cheikh Walid El Ali et Cheikh Fahd el Housseiny, proches de la mouvance d’Ihyâ Turâth, qui répand l’idéologie wahhabite dans le monde et à travers la région, avec plusieurs voyages déjà effectués en Guinée, en Gambie, mais aussi des liens avec des groupes salafistes sénégalais identifiés».

Le coordinateur de l’observateur des radicalismes et conflits religieux en Afrique enchaîne: ces gens-là «ne peuvent pas facilement admettre avoir commis un attentat qui a coûté la vie à des acteurs salafistes aussi importants et ils ne peuvent pas le justifier auprès de leur base. Car, on dirait que l’attaque de Ouagadougou a davantage touché les mouvances radicales africaines qui ont cette fois, beaucoup communiqué à travers des condamnations claires comme jamais auparavant».

Les mouvances auxquelles le professeur fait référence ont toujours adopté un profil bas après les attentats terroristes au Sahel.

En clair, le dernier coup fumant de la capitale burkinabè a touché «des personnalités idéologiquement proches» de ceux qui pourraient en être présumés à l’origine.

S’il s’était agi d’un acte planifié et prémédité, avec des cibles préalablement identifiées, on aurait fait recours à la vieille formule suivant laquelle la révolution de ces barbares est entrée dans une phase au cours de laquelle ce genre phénomène bouffe ses enfants.

Mais avec le cas de ces attentats, dont l’objectif est simplement de faire le maximum de victimes pour frapper les esprits et terroriser, on est certainement loin d’une telle orientation.

Les indices nés du retard de la revendication du coup de Ouagadougou, qui a fait une vingtaine de morts et une trentaine de blessés, avaient conduit certains à avancer la piste de l’Etat Islamique (EI), entité ne disposant pas d’un appareil huilé de communication dans la région pour signaler rapidement ses forfaits.

Certains analystes avaient également pensé à Abou Walid Al Sahraoui, autre figure de la nébuleuse terroriste qui cherche un territoire d’implantation dans cette zone désertique aux frontières poreuses et ouvertes à toutes les influences néfastes.

La grille d’analyse proposée par le professeur Sambé, qui part des dégâts collatéraux de ce crime, vient apporter à une nouvelle dimension, un éclairage précieux permettant de percer le mystère de la non-revendication de l’attaque contre le café «Aziz Istanbul».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 24/08/2017 à 06h32, mis à jour le 24/08/2017 à 14h22