Vidéo. Mauritanie: les raisons de l'alliance contre-nature entre l'IRA et Sawab

VidéoLe Parti Sawab et l'Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) ont conclu jeudi une alliance-absorption dans la perspective des prochaines échéances électorales en Mauritanie. D'idéologies opposées, leur mariage intervient à la veille de multiples rendez-vous électoraux.

Le 02/06/2018 à 12h48, mis à jour le 02/06/2018 à 13h17

C’est dans une salle du Centre national de formation des cadres de la jeunesse et des sports (CNFCJS), ancienne Maison des Jeunes, pleine comme un œuf, que le parti "SAWAB" issu de la mouvance nationaliste arabe (baâthiste), et l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), une ONG antiesclavagiste, ont annoncé, le jeudi 31 mai 2018, avoir conclu une alliance dans la perspective des prochaines échéances électorales en Mauritanie.

Créé en 2008, mais privée de reconnaissance par les autorités, le mouvement IRA dirigé par Biram ould Dah ould Abeid, prix des Nations pour les droits de l’homme en 2013, candidat classé deuxième à l’issue de l’élection présidentielle mauritanienne de juin 2014 (boycottée par les figures historiques de l’opposition), aura ainsi la possibilité de présenter des candidats sur les listes de "SAWAB" dans la perspective des prochaines élections.

Dans une allocution prononcée pour la circonstance, le leader de l’IRA a expliqué que cette alliance "s’inscrit dans le cadre d’une ouverture vers toutes les forces politiques du pays, conformément au combat en faveur de l’unité nationale dans l’égalité de tous, bien au-delà d’un simple compagnonnage électoral".

Cette alliance-intégration entre un parti de la mouvance nationaliste arabe et une entité dédiée à la lutte contre l’esclavage, très active dans la promotion des droits des victimes de cette pratique millénaire, est un fait inédit, mais pas unique dans l’histoire du pays, rappellent les observateurs.

En effet, interdit sous le régime de Maaouya ould Sid’Ahmed Taya, Action pour le changement (AC) du vieux leader Haratine Messaoud ould Boulkheir, avait été absorbée par l’Alliance populaire progressiste (APP), un autre parti de la mouvance nationaliste arabe (nassériste), retrouvant ainsi un cadre légal d’expression.

Ould Boulkheir a été élu président de ce parti au cours du congrès ayant suivi l’intégration. Originellement présenté comme un extrémiste, ould Boulkheir a acquis progressivement le statut d’homme politique "fréquentable" au point de devenir aujourd’hui le partenaire "préféré" du président Mohamed ould Abdel Aziz dans le cadre d’un dialogue national boycotté par la quasi-totalité des segments de l’opposition historique.

Biram ould Dah ould Abeid peut-il envisager une évolution similaire? Une certitude: l’alliance scellée ce jeudi 31 mai 2018 montre clairement que les idéologies et les principes fondateurs des partis politiques ne constituent plus des barrières.

Au-delà des critiques qui s’abattent sur «une alliance entre des idéologies contraires», ce rapprochement pourrait avoir l’effet d’un mariage bénéfique pour les deux parties.

Ainsi, l’IRA, mouvement non reconnu, va trouver un cadre légal lui permettant de présenter des candidats pour toutes les grandes batailles politiques du pays, et tirer profit de sa capacité de mobilisation sur le terrain.

Pour sa part, fondé depuis 2007, et ayant participé depuis à toutes les élections sans jamais décrocher un seul siège, même pas celui d’un conseiller municipal, "SAWAB" devrait désormais considérablement profiter du réservoir électoral de l'IRA et pouvoir ainsi placer des représentants dans plusieurs instances élues à l’occasion des scrutins à venir.

La Mauritanie se prépare à un agenda électoral chargé prévoyant des législatives, des régionales et des municipales en 2018, ainsi qu’une élection présidentielle en 2019. 

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 02/06/2018 à 12h48, mis à jour le 02/06/2018 à 13h17