Il existe 105 partis politiques officiellement reconnus en Mauritanie pour une population de moins de 4 millions d’habitants. A titre de comparaison, au Sénégal voisin, on dénombre plus de 250 formations politiques pour environ 15 millions de citoyens. Là, également on est dans l’excès. Sur la scène politique du Maroc, autre voisin situé au Nord, les choses semblent plus rationnelles.
Toutefois, en dépit des facilités de reconnaissance offertes par la loi, des entités issues de la mouvance anti esclavagistes, à l’image de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA/RAG) et du courant nationaliste noir, telles que les Forces progressistes pour le changement (FPC)-une émanation des célèbres Forces de libération africaine de Mauritanie (FLAM) courent derrière un récépissé depuis plusieurs années.
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Parmi cette centaine de formations reconnues, une vingtaine dispose de représentants à l’Assemblée nationale, si on prend en compte les résultats de la liste nationale à l’issue des élections législatives de novembre-décembre 2013. La configuration est à peu près identique dans les conseils municipaux.
Il s’agit de l’Union pour la République (UPR-principale parti de la majorité) qui dispose de plus de 80 députés, et de ses alliés de la majorité présidentielle.
A côté de la formation du président Sidi Mohamed Ould Maham, on note la présence d’une constellation de partis à l’image de l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP) de Naha Mint Mouknass, membre du gouvernement, du Parti républicain pour la démocratie et le renouveau (PRDR), du Sursaut, El Karama, le Parti pour l’unité et la démocratie (PUD) ayant pu faire élire un à quelques députés, dont certains sont en réalité des frustrés des investitures du parti présidentiel.
Des individus populaires auprès de leur base qui tenait à démontrer leurs forces sur le terrain, avant de faire ce qui ressemble fort à un retour bercail en douceur.
UPR et alliés disposent d’une majorité confortable de 122 députés sur un total de 156 élus.
Après le parti présidentiel, on peut noter le cas spécifique du Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD-TAWASSOUL/mouvance islamiste dite modérée), qui malgré son ancrage dans le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), a ignoré le mot d’ordre de boycott de ce collectif, à l’occasion des législatives et municipales de 2013. Ce qui a permis aux amis du très médiatique Mohamed Jemil Mansour de placer 16 élus au sein de la représentation nationale, devenant ainsi la première force de l’opposition.
Les autres formations présentes au sein de l’hémicycle sont issues de l’opposition dite «modérée» à savoir l’Entente démocratique et sociale (El Wiam) de Bodiel Ould Houmeid (ancien ministre sous le régime de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya), forte de dix députés.
Et l’Alliance populaire progressiste (APP), du leader « Haratin » Messaoud Ould Boulkheir, ex-président de l’Assemblée, actuellement aux commandes d’un Conseil économique et social (CES) dont l’absence dans les activités officielles, et même du protocole républicain, envoie l’image d’une institution fantôme, qui compte quatre représentants à l’Assemblée nationale.
Dans cette revue des effectifs au niveau de l’Assemblée nationale et au sein des conseils municipaux, il faut également citer le cas spécifique de l’Alliance pour la démocratie et la justice/Mouvement pour la réconciliation (AJD/MR) de Sarr Ibrahima Moctar.
Ce parti de la mouvance nationaliste négro-africaine se démarque du FNDU et de l’opposition dite modérée, évoluant ainsi en solo. Il dispose de quatre députés et occupe le fauteuil de la mairie de la Sebkha, populeuse commune de la banlieue sud-ouest de Nouakchott.
Au total, l’opposition, toutes tendances confondues, est représentée à l’Assemblée nationale par 34 élus.
Faiblesse de l’offre programmatique
Ainsi, plus de 70 partis politiques, légalement reconnus, ne sont pas actuellement représentés à l’hémicycle et au sein des conseils municipaux.
Pire, plusieurs dizaines formations n’ont jamais pris part à une élection de quelque nature que ce soit depuis leur reconnaissance. Un constat en contradiction flagrante le principe constitutionnel suivant lequel les associations politiques ont pour vocation «de concourir à l’expression du suffrage universel».
Contribuer à l’expression du suffrage universel passe par l’offre programmatique lisible et crédible.
Justement, l’absence de cet élément «est une faiblesse largement partagée par les partis politiques mauritaniens, dont un grand nombre reste l’otage des courants nationalistes, et même parfois carrément chauvins», se désole un observateur.
Interrogé sur les raisons à l’origine de cette poussée fiévreuse des partis politiques, qui ressemblent parfois à des champignons, Moussa Ould Mohamed Amar, analyste politique, ancien directeur général de l’Agence mauritanienne d’information (AMI), renvoie «à la bonne vieille culture nomade et l’absence de discipline qui caractérise les Mauritaniens. Chacun veut disposer de sa propre boutique, sa pharmacie, son entreprise, sa clinique, son propre parti politique…
Et la puissance de régulation, l’Etat, ne fait rien pour mettre de l’ordre dans ce chaos voulu. Pire, ces antagonismes personnels, tribaux et à caractère ethnique arrangent toujours ceux qui gouvernement, suivant le vieux principe du diviser pour mieux régner. Il est arrivé qu’un pouvoir aux calculs politiciens inavouables souffle sur ces braises pour des intérêts de circonstances».
Cependant, il faut signaler que l’Assemblée nationale a adopté récemment une nouvelle loi relative au financement des partis politiques. Cette législation prévoit la dissolution de tout parti politique n’ayant pas réussi à mobiliser 1% de l’électorat sur deux consultations de suite.
Reste à savoir si ce texte sera appliqué avec toute la rigueur nécessaire en vue de permettre un véritable coup de balai dans la fourmilière pour nettoyer les écuries d’Augias.