Mauritanie: quelles sont les premières pièces du puzzle de l'après Ould Abdel Aziz?

Mohamed ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie, et Mohamed ould Cheikh ould Mohamed Ahmed El Ghazouani, ministre de la Défense.

Mohamed ould Abdel Aziz, président de la Mauritanie, et Mohamed ould Cheikh ould Mohamed Ahmed El Ghazouani, ministre de la Défense.. DR

Le 02/11/2018 à 09h12, mis à jour le 02/11/2018 à 15h54

Après les élections législatives, régionales et locales 2018, et un changement encadré du gouvernement, les premières pièces du puzzle de l'après Aziz se mettent en place, selon l'avis de quelques analystes mauritaniens. Explications.

La Mauritanie a vécu des élections générales en septembre dernier et la liste du gouvernement a été rendue publique mardi dernier. 

Un fait est particulièrement marquant: l’arrivée au ministère de la Défense nationale du général de division, Mohamed ould Cheikh ould Mohamed Ahmed El Ghazouani, un proche du président Mohamed ould Abdel Aziz, cité comme dauphin possible, et qui était jusque-là Chef d’Etat Major Général des Armées (CEMGA).

Les figures historiques de l’opposition mauritanienne, à l’image de Mohamed ould Maouloud, leader de l’Union des Forces de Progrès (UFP), et Ahmed ould Daddah, président du Rassemblement Forces Démocratiques (RFD), plusieurs fois candidats malheureux à une élection présidentielle, refusent de donner une importance particulière à l’arrivée de Ghazouani au gouvernement.

Cette lecture tranche cependant avec l’avis de nombreux analystes, qui estiment que ce fait ne peut être politiquement «anodin».

Pour Moussa Hamed, ancien DG de l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI), un organe du gouvernement, « le placement de Ghazouani au ministère de la défense nationale représente une des pièces du puzzle dans la perspective de l’après Aziz. Contrairement à ce que pensent certains, en devenant ministre de la Défense, ce général conserve également son poste de Chef d’Etat Major Général des Armées (CEMGA), dans le cadre d’une formule inspirée du modèle égyptien, et que rien n’interdit d’un point de vue légal et militaire».

Dans le décryptage des éléments favorables à Ghazouani, ce même analyste relève cet épisode d’une sorte de "journée portes ouvertes" aux civils, organisée à l’état-major, après la publication de la composition du nouveau gouvernement. Ainsi, de nombreuses personnalités issues des hautes sphères et des arcanes de la République, sont venues féliciter le nouveau ministre de la Défense.

Des honneurs largement supérieurs à ceux dont auraient été entourés le néo-Premier Ministre et les "bleus" de son équipe. Cette affluence massive a d'ailleurs étrangement ressemblé à un exercice de prestation d’allégeance, selon Moussa Hamed. 

Et pour Sneiba ould Kowry, journaliste, la grille de lecture semble également favorable à une montée en puissance de Ghazouani, qui fait, plus que jamais, figure de dauphin possible. Il insiste sur "le fait que le nouveau ministre de la Défense conserve également le poste de CEMGA.

Par ailleurs, ce journaliste relève le fait que Ghazouani s’est "choisi comme adjoint au poste de chef d’état major, le nouveau général de division, Mohamed Cheikh ould Mohamed Lemine, dit Broua, un officier issu de l’ensemble tribal des Mechdouf, natif de l’Adrar (Nord). Ce militaire est considéré comme un véritable fidèle à Ghazouani, et il sera chargé de garder la maison en expédiant les affaires courantes, pendant que le chef aura son bureau au ministère de la défense".

Par ailleurs, il faut également ajouter à ces récentes nomination gouvernementales, celle de maître Sidi Mohamed ould Maham, président de l’Union Pour la République (UPR-principal parti de la majorité) au Ministère de la Culture, de l’Artisanat, et porte-parole du gouvernement.

Ce parti avait, en effet, remporté une large majorité à la faveur des élections législatives, régionales et locales 2018.

Bodiel ould Houmeid, vice-président de l’assemblée nationale, dont le Parti « El Wiam » qui se réclamait de l’opposition modérée, vient d’intégrer l’UPR, est, de son côté, pressenti pour prendre les commandes de la formation présidentielle, à l’issue d’un congrès qui ne devrait pas tarder.

Ainsi, après les élections générales de septembre 2018, Mohamed Ould Abdel Aziz semble progressivement mettre en place les différentes pièces du puzzle de la présidentielle de 2019, et continue à imprimer son rythme à la marche du pays, par l’intermédiaire de ses hommes de confiance.

Dans ce contexte, l’opposition est montée au créneau pour exiger, à cinq mois de la présidentielle, de nouvelles règles et plus de transparence pour le processus électoral, qu’elle qualifie de «vicié» par la désignation d’une très consensuelle Commission Electorale Nationale Indépendante. 

Reste à savoir si un tel appel du pied sera entendu par le pouvoir, et s'il est désireux de créer les conditions d’une élection présidentielle apaisée en 2019... 

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 02/11/2018 à 09h12, mis à jour le 02/11/2018 à 15h54