Peine de mort pour «apostasie» confirmée pour le blogueur mauritanien

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Le 22/04/2016 à 15h18

La peine de mort du blogueur Cheikh ould Mohamed ould Mkheitir a été confirmée par la Cour d’appel de Nouadhibou. Mais, la nouvelle qualification des faits en «mécréance», moins lourde que l’«apostasie», renvoyant le dossier à la Cour suprême, autorise des perspectives clémentes pour le blogueur.

La Cour d’appel de Nouadhibou (capitale économique de la Mauritanie, située au nord-est du pays) a confirmé la condamnation à mort du blogueur mauritanien, Cheikh ould Mohamed ould Mkheitir, auteur d’un article jugé blasphématoire à l’encontre du prophète.Ce procès d’appel a débuté en milieu de journée du jeudi 21 avril en présence de l’accusé, du comité de défense (quatre avocats bénévoles -deux mauritaniens et deux tunisiens-) présidé par Fatimata M’baye, président de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH) d’un magistrat italien et d’activistes de la société civile dont des étrangers, loin de l’atmosphère qui a prévalu lors du jugement de l’accusé en première instance par la Cour criminelle de la même ville sous l’effet des manifestants réclamant la peine de mort.Pour rappel, Cheikh ould Mohamed ould Mkheitir est détenu depuis le 2 janvier 2014 pour un article sur internet jugé blasphématoire envers le prophète. L’accusé a reconnu être l’auteur des écrits incriminés et a exprimé son repentir. D’ailleurs, les avocats de la défense ont fondé leurs arguments sur son repentir pour demander la révision de l’accusation et donc de la sentence prononcée en première instance par la Cour criminelle de Nouadhibou qui l’avait reconnu coupable d’apostasie et condamné à mort le 24 décembre 2014.Les avocats de la partie civile et le procureur eux souhaitaient que la Cour confirme la première peine de mort pour apostasie en Mauritanie.La Cour d’appel a voulu satisfaire les deux parties. Tout en confirmant la peine de mort prononcée par la Cour criminelle, elle a requalifié l’accusation. Désormais, il n’est plus accusé pour apostasie qui est punie par la peine de mort en Mauritanie, mais pour «mécréance», du fait de son repentir.Désormais, c’est à la Cour suprême mauritanienne d’«apprécier la sincérité» de son repentir ! Celle-ci peut ainsi opter pour la confirmation de la peine de mort ou opter pour une relaxe du blogueur. Cette seconde option est aujourd’hui privilégiée par certains observateurs vu que la tension est retombée depuis quelques temps.Pour rappel, dans un long billet, l’accusé, qui appartient à la caste des «Maâlemines» (les forgerons), une composante sociale mal considérée en Mauritanie, avait critiqué ceux qui utilisent la religion à des fins de discrimination. L’auteur, qui avait pris quelques exemples de ce qu’il a jugé comme des injustices au temps du prophète, en se basant sur des études historiques, avait souligné, lors de son procès, qu’il n’avait pas adressé ses critiques au prophète, mais visait à défendre la caste à laquelle il appartient et qui est au bas de l’échelle sociale de la société maure en Mauritanie.D’ailleurs, après son repentir, il a insisté sur cette réalité mauritanienne en écrivant, «mes frères forgerons, nous devons être totalement conscients du fait que le destin nous a conduit à être les citoyens de cette terre. Nous devons par conséquent défendre notre droit à une citoyenneté pleine et à une vie décente».Du coup, beaucoup pensent que le procès et surtout la peine prononcée visent à étouffer toute contestation sociale en s’abritant derrière l'argument religieux.L’Amnesty international a appelé à l’annulation de la condamnation à mort du blogueur et sa libération sans condition.Il faut souligner que la peine de mort, même si elle n’est pas abolie, n’est plus exécutée en Mauritanie. Les dernières exécutions remontent à1987 lorsque 3 militaires de la composante négro-mauritanienne avaient été exécutés pour avoir préparer un coup d’Etat.Enfin, soulignons qu’au niveau de la Cour suprême, le dossier de ould Mkheitir rejoint ceux des deux leaders de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) dont le verdict est attendu le 17 mai prochain.

Par Karim Zeidane
Le 22/04/2016 à 15h18